Voltaire mène l'enquête : Crimes et condiments

Voltaire reçut un billet du duc de Richelieu, ami d’enfance, ancien camarade de lycée, et surtout client, quoique à son insu, de la maison de finance clandestine « Voltaire et Dumoulin ».

Après les confitures, les compotes et les liqueurs, on quitta la table pour aller jouer au trictrac dans un autre salon. Mme du Deffand, qui aimait mieux les échecs que les jeux de hasard, s’en fut admirer les tableaux anciens et les marbres antiques qui décoraient l’enfilade. Voltaire se hâta de la rejoindre afin d’avoir avec elle une conversation sur un thème qui lui était cher : quand serait-il élu à l’Académie ?

Le plat de résistance occupait le milieu : c’était un cygne au plumage posé par-dessus la viande, cuite et fourrée de pâté truffé. Le service à la française prévoyait que le maître de maison découpât devant ses hôtes. En son absence, l’honneur revenait à son frère.

À vingt-sept ans, sans être ce qu’on appelle une beauté régulière, Anne de Lixen avait une taille charmante et le plus beau teint du monde. C’était une blonde dont les yeux rieurs suggéraient qu’elle savait profiter de l’existence, ce dont on ne pouvait douter puisqu’elle recevait sans son mari et avait donc une vie en son absence.

René Hérault promenait autour de lui ce regard inquisiteur qui aurait tant profité à la science s’il en avait fait un usage utile à travers un microscope.

— Je ne vois plus de paille, ici, Arouet.

— Je suis sûr qu’en observant mieux vous en verrez une dans mon œil, monsieur le lieutenant général. C’est avec les poutres que vous avez du mal.

Théodose Petitpois professait des opinions culinaires qui n’étaient pas sans parenté avec celles de son employeur: il prônait la tolérance pour les légumes, l’égalité entre les goûts, l’équilibre des pouvoirs du sucré, du salé et du poivré. Il chérissait l’idéal lointain et disons le mot, quasi démocratique, de permettre aux moins riches de manger des plats aussi fins que les plus fortunés.

Le jardin n’avait rien de ces beaux ordonnancements à la Le Nôtre, où le génie des architectes et la patience des artisans confèrent à la végétation la splendeur d’un tapis persan.

Certains propos n’aidaient pas la digestion. Comme l’avait écrit Mme de Sevigné, « ce que l’on mange importe moins que ceux avec qui on le mange. »

La police était chez le philosophe , deux mots qui ne s’accolent guère sans dommage. Voltaire se mit à trembler sous son sac de jute. Il résolut de regagner son domicile sans tarder. Quoique cette célérité le portât plus vite au-devant de sa perte, chaque pas le rapprochant de la Bastille.

Les périodiques prétendaient avec constance que la guerre de Pologne se déroulait au mieux, mais pouvait-on se fier à des feuilles autorisées par le gouvernement ?