AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de irisrivaldi


En 1935, pour s'être opposé au régime fasciste, le Turinois Carlo Levi a été placé en résidence surveillée dans un petit village de Basilicate (l'ancienne Lucanie) qu'il a baptisé Gagliano. Ainsi, lui le citadin septentrional, s'est-il retrouvé dans le Sud profond, à l'extrémité de la péninsule où il restera jusqu'à l'année suivante, sur cette terre où sévissait une pauvreté endémique sur fond de paludisme (la malaria). Un endroit abandonné à son triste sort, oublié même de Dieu. le titre signale ainsi que le Christ en personne s'est arrêté à Eboli. Jugeant inutile d'aller plus loin. D'ailleurs aux yeux de Rome, symbole d'un État indifférent et lointain, ces lieux reculés ne sont rien de plus qu'un pays de bêtes de somme sans aucun rapport avec une terre chrétienne. Rien de plus naturel également que d'y rencontrer des créatures à l'animalité latente, comme cette femme qui a à la fois une génitrice humaine et une vache pour mère.

Notons qu'à l'époque, les individus exilés à l'intérieur de leur propre pays en des contrées peu amènes étaient appelés « confinati » et que si, dans un passé récent en Italie, on a employé le mot « lockdown » au lieu de « confinamento », ce choix lexical se justifiait, car le mot confinement aurait été bien trop connoté...

Mais revenons à nos moutons. Notre « confinato », médecin de formation mais qui n'exerce pas l'art médical, est également peintre. Et il va d'ailleurs beaucoup peindre pendant son exil. Puis, quelques années plus tard, celui-ci va rassembler tous les souvenirs engrangés à Gagliano (en réalité Aliano) et dans les environs (Grassano, Matera) pour peindre d'autres tableaux, avec des mots cette fois-ci. Et, à ce moment-là, il était loin de se douter que ce séjour forcé lui aurait inspiré un petit miracle littéraire traduit en 37 langues, à présent considéré comme un classique de la littérature italienne.

Ainsi l'auteur, grâce à un pouvoir d'évocation saisissant, construit son récit par touches successives pour nous transporter dans un autre temps. Bien que relégué dans le trou du cul du monde, il a semble-t-il fait plus d'expériences enrichissantes en seulement quelques mois que le commun des mortels en l'espace d'une vie. À tel point que c'est presqu'à regret qu'il quittera Gagliano en 1936 en promettant aux villageois qu'il reviendra, mais comme on s'en doute ceux-ci ne le croient pas et ne peuvent s'empêcher de se sentir de nouveau laissés pour compte.

Ce n'est qu'en 1943 que Carlo Levi regarde en arrière pour consigner par écrit cette tranche de vie. L'ancien exilé porte un regard rempli d'humanité sur les paysans opprimés de Lucanie, victimes des injustices et des absurdités du système. Pour eux, face à leur immense détresse, le narrateur acceptera notamment – à ses risques et périls – de passer outre l'interdiction qui lui est faite d'exercer la médecine pour leur venir en aide. de plus, il découvre un autre monde où coutumes et superstitions ancestrales sont fortement enracinées.

Cependant, ses conditions d'isolement seront pour le moins adoucies quand on sait qu'il avait à sa disposition une servante ! En la personne de la dévouée Giulia, toute disposée à même lui frotter le dos pendant sa toilette… Voire plus encore. Mais l'auteur préférera succomber à d'autres charmes, car la dame un peu sorcière est en mesure de lever le voile qui recouvre un monde occulte. Ce qui lui permettra d'approfondir ses connaissances sur les croyances locales et facilitera son intégration parmi les humbles.

On doit par ailleurs à Carlo Levi la description de scènes de genre d'anthologie correspondant à différents événements marquants de la vie villageoise comme la venue d'une troupe de théâtre ou le passage du châtreur de truies…

Lu en VO (italien)
Lien : http://scambiculturali.over-..
Commenter  J’apprécie          161



Ont apprécié cette critique (16)voir plus




{* *}