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Critique de Luniver


Essai assez hétéroclite au nom un peu trompeur, puisqu'il mêle journalisme, sociologie, politique et ce qu'on appellerait sans doute du « big data » aujourd'hui, plutôt que de l'économie à proprement parler. Les auteurs s'attaquent à des questions à première vue saugrenues (« pourquoi les revendeurs de drogue vivent-ils longtemps chez leur mère ? ») et montrent comment on peut extraire des explications à partir de masse de chiffres à notre disposition.

Certaines expériences sont intéressantes, comme la détection de la triche dans les combats de sumo, ou celle des professeurs qui gonflent les résultats de leurs élèves pour obtenir les primes gouvernementales. Bref, quand le thème est très bien circonscrit, j'apprécie plutôt la démarche.

Néanmoins, les gros thèmes du livre sont bien plus politiques, notamment : la criminalité a été réduite par la légalisation de l'avortement, et l'implication des parents dans l'éducation des enfants n'a aucune importance comparée au bagage génétique de l'enfant. Ces gros sujets contiennent, eux, des erreurs de méthode assez flagrantes.

Je ne vais pas développer une critique de douze pages pour me concentrer sur un petit exemple. Amener ses enfants au musée, selon les auteurs, n'a aucune importance sur le développement intellectuel de l'enfant, puisque cette action n'augmente pas leurs résultats aux tests scolaires ; on pourrait donc les laisser devant la télévision au lieu de gâcher son dimanche après-midi. Ce fait est développé pendant de nombreux chapitres. À la toute fin de l'un d'eux cependant, on mentionne vite fait que ça peut ne plus être vrai à l'université. Et pour cause : quand on regarde bien, les tests utilisés par les auteurs sont ceux réalisés en fin de primaire, qui testent principalement les compétences en calcul et en lecture/écriture. Tout ce qu'ils ont finalement montré est qu'amener un enfant visiter un musée des beaux-arts, de science ou d'histoire, n'a aucun effet sur ses compétences en calcul mental à court terme. C'est sympathique, mais ça ne nous avance pas beaucoup, car ce n'est généralement pas le but recherché. Quel impact ont les musées ? Je ne sais pas, mais je sais que ce livre n'a en tout cas rien prouvé.

Dans l'introduction, Dubner mentionne que Levitt est un économiste qui ne parle jamais d'économie classique. Et c'est un énorme problème : parce que Levitt a été formé en économie, il maîtrise le sujet. Mais Levitt peut être un économiste brillant et Dubner un excellent journaliste, les faire travailler ensemble ne les transforme pas en un parfait binôme de criminologues ou de sociologues. Ces deux domaines sont des sciences à part entière, qui ont instauré des méthodes de travail rigoureuses pour éviter les biais et les faux résultats, que nos deux auteurs ne connaissent absolument pas. Freakonomics, malgré son air sympathique, reste donc un livre d'amateurs, dont les conclusions péremptoires sont à prendre avec énormément de pincettes.
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