Il avait laisser un si grand vide qu'elle n'osait même pas bouger. Elle avait peur d'y tomber.
Brune-Olive revenait dans la cuisine suivie des écoliers, et échangeait avec eux une pâtisserie contre chaque araignée. Les enfants, ravis, se lançaient des coups d'œil victorieux, et repartaient en rigolant, heureux d'avoir gagné un goûter. Brune-Olive, flattée par leur gourmandise, avait le cœur empli de joie, et s'amusait avec Solange de leur imagination culottée pour bricoler les araignées les plus invraisemblables. Elles étalaient les découvertes sur une feuille de papier et les passaient en revue. - Voyons ces araignées qu'ils nous rapportent, comme ils les maquillent (Brune-Olive posait sa loupe au-dessus des trouvailles) Tu as vu celle-là? Ils lui ont mis des cheveux, et là, des bouts de tissu.. Mais c'est un insecte, celle-ci..Une sauterelle?
Et là, comme au cinéma, ils se dirent des mots consolateurs, des mots doux, et, comme au cinéma, ils échangèrent des regards étonnés puis des regards tristes, et toujours comme au cinéma, ils se donnèrent un baiser curieux, pour voir, puis deux, puis leurs mains se promenèrent sur le corps de l’autre, comme au cinéma, et des boutons se déboutonnés, des agrafes se dégrafées, et alors, comme au cinéma, on ne vit plus que la voiture qu’on veut nous vendre, parce que c’est la publicité, en fait.
Les mots vinrent difficilement d'abord, car ils étaient méfiants, et elle allait les chercher loin, au pays des mots sauvages, qui se présentent comme ils sont – tout nus – et qui n’aiment pas les regards.
Le pays des mots sauvages est une forêt vert et brun, plusieurs verts, plusieurs bruns, et même ces couleurs changent à la lumière selon la courbe du soleil. On ne sait rien sur cette forêt, et tant qu’on n’y entre pas, on se trompe sur elle. On la croit petite d’abord, mais c’est une illusion d’optique, une illusion provoquée par les buissons de parenthèses qui la bordent. Ces arbres, aux racines pointées, qui s’exclament et s’interrogent, ils n’en finissent pas, on peut les suivre plus loin qu’ils n’en finissent pas, on peut les suivre plus loin qu’ils ne vont, on peut s’y perdre… Ces clairières, parsemées de virgules, font hésiter. Laquelle choisir ? Lesquelles ? Et ces points finals que les mots mettent sous le stylo, comme des cailloux dans la chaussure, faut-il y croire ? Ces mots, fiers, chapeautés, qui demandent l’arrêt, le froâssage des feuillets, saura-t-on les dompter ? les faire siens ?”
Mon cœur bat comme un volet qui claque.
Solange, (...) se plaisait là, (...), vivant sa vie comme on s'accommode avec regret aux premiers jours de l'automne.
La tristesse, comme un bateau dans la tempête, l'avait égarée, l'avait saoulée de questions.
L'enterrement fut comme un dessin qu'on fait à ceux qui ne comprennent pas.
Solange se plaisait à n'être qu'un individu dans la foule. Un petit pois dans une boîte de petits pois.
Diane se servit une tasse de café, y plongea de moitié un sucre, le regarda brunir, le laissa glisser jusqu'au fond et l'aplatit avec sa petite cuillère, comme on fait avec les gens dont on veut se débarrasser.