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Critique de kielosa



Non, il ne s'agit pas de la nouvelle magnifique De Rudyard Kipling avec le même titre de 1888, superbement portée à l'écran par John Huston en 1975, avec 2 monstres sacrés du cinéma, Sean Connery et Michael Caine, sans oublier Christopher Plummer dans le rôle de l'auteur Kipling.

Le "héros" de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, le sénateur Gaston Flosse de la Polynésie française, n'a jamais été couronné officiellement roi à Papeete, mais apparemment pour lui il s'agit d'un regrettable oubli, un détail en somme - qui comme tous les détails est vulgaire - car cette absence de cérémonie ne l'a pas du tout empêché de vivre comme une altesse royale. En seigneur et maître de cette province lointaine, ou plutôt en autocrate !

Comme Tahiti n'est pas exactement à côté de la porte, 24 heures de vol de Paris avec escale à Los Angeles, je dois admettre qu'à part les vahinés rendues célèbres par les merveilleux tableaux de Paul Gauguin, mes connaissances de cet archipel au sud de l'océan Pacifique sont des plus rudimentaires et ce fameux Flosse de 87 ans aujourd'hui, un illustré inconnu.

Élu 5 fois président, en 1984, 1991, 2004,2008 et 2013, le parrain de la Polynésie (un nom que le Monde lui a trouvé), né en 1931 sur l'île de Rikitea, de père lorrain et mère polynésienne, sans grande instruction, s'est donc plutôt bien débrouillé dans la vie. Ses atouts ou qualités : une intelligence vive dans le sens légèrement péjoratif de malin, une mémoire phénoménale et le goût de l'intrigue. Ses petits péchés mignons : une soif de pouvoir, de luxe et de richesse. Sa faiblesse : absolument pas pointilleux sur les moyens pour arriver aux desseins qu'il s'était fixés. Un de ses nombreux surnoms est "Monsieur 10 %" à cause de ses petits prélèvements personnels sur des tractations commerciales d'un certain volume. Autre atout du "Vieux Lion" (et autre surnom) ses bonnes relations avec les autorités à Paris, surtout avec l'ancien président Jacques Chirac.

Sa vie familiale est aussi riche que ses revenus. Marié 2 fois et vivant avec une 3ème compagne, la députée et ex-ministre de l'Artisanat, au nom on ne peut plus approprié de Pascale Haiti, seulement 41 ans plus jeune que "Gaston Ier" de Polynésie. Il est l'heureux père de 9 rejetons officiels, plus 2 qu'un juge lui a obligé d'adopter et de donner son nom.

Avant de signaler les dérives de son règne, en toute honnêteté, il convient de mentionner ses réalisations positives : un statut d'autonomie pour la Polynésie, l'introduction d'une protection sociale généralisée en 1995 et la création d'une compagnie aérienne, Air Tahiti Nui, l'année après.

La liste des initiatives peu orthodoxes et parfois carrément illégales de sa présidence est longue. Parmi les plus manifestes figurent les détournements de fonds publics et le trafic d'influence. Flosse a procédé à l'achat de propriétés privées et même d'atolls, ainsi que l'aménagement de son palais présidentiel pour un montant de 41 millions d'euros - avec un bureau plus vaste que celui de son homologue français à l'Élysée - aux frais des contribuables. Toutes sortes de fonctions fictives, appelées par lui des "sucettes", furent créées et payées par des deniers de l'État.

En 1997, le Machiavel du Pacifique a fondé un Service d'Études et de Documentation, une espèce de service personnel de renseignements "pour surveiller tout le monde". le SED a été rapidement intégré au sein du Groupement d'Intervention de la Polynésie. le GIP constituait sa garde prétorienne personnelle ou plutôt ses tontons macoutes à l'exemple de la milice paramilitaire de Papa Doc Duvalier à Haïti. Cette milice "barbouzarde" comptait vers la fin des années '90 pratiquement 1000 membres.

Ce sont des miliciens du GIP qui, en décembre 1997, "ont balancé au fond du Pacifique, lesté de 4 parpaings", le corps du journaliste Jean-Pascal Couraud, connu par tous les Polynésiens par son sigle de "JPK". Ce journaliste, né à Poitiers et âgé de 37 ans, fut la bête noire de "Papa Flosse", bien qu'il s'agisse très probablement d'un "accident" de la base, sans que le Grand Chef en soit nécessairement informé à l'avance.

Gaston Flosse a fait l'objet de toute une série de procès. À 2 reprises il a fait de la prison provisoire à Nautania et au moins dans 2 procès, où il s'est vu condamné, il a fait appel contre le jugement. En juillet 2014, il a finalement perdu tous ses mandats après que le président François Hollande lui avait refusé la grâce. C'est son beau-fils, le mari de sa seconde fille Joan Flosse, Édouard Fritch, qui lui a succédé comme president de l'archipel en 2014 et qui a ete réélu le 18 mai dernier.

Parti de rien, Gaston Flosse a mené une vie princière : propriétaire de 2 luxueux appartements à Paris, 2 grandes résidences dans les îles, un avion personnel ("Air Flosse One"), une écurie d'une soixante de voitures pour lui et son administration, parmi lesquelles des somptueuses Cadillac.
Il serait présomptueux de prétendre que les 375.000 Polynésiens (chiffre de 2017) aient beaucoup bénéficié de ses dépenses démesurées, sauf les potes, bien entendu !

Gérard Davet et Fabrice Lhomme se sont très bien documentés tant à Paris qu'à Papeete. Leur tentative d'une entrevue avec le père Flosse s'est soldé par un échec et des menaces de poursuites judiciaires. L'ouvrage de même pas 200 pages et 12 chapitres se lit très vite. Pour les titres des chapitres les auteurs ont eu l'idée originale d'utiliser des titres de films, comme par exemple : "L'homme qui aimait les femmes" (de François Truffaut), "L'homme qui en savait trop" (d'Alfred Hitchcock) et "Arrete-moi si tu peux" (de Steven Spielberg) !
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