Paul Gauguin Belles Marquises.
Le public veut comprendre et apprendre en un seul jour, une minute, ce que l'artiste a mis des années à comprendre.
Le laid peut être beau, le joli, jamais.
Un conseil, ne copiez pas trop d’après nature. L’art est une abstraction : tirez-la de la nature en rêvant devant et pensez plus à la création qu’au résultat.
Copier la nature, qu'est-ce que cela veut dire? (...). Suivre les maîtres! Mais pourquoi donc les suivre? Ils ne sont des maîtres que parce qu'ils n'ont suivi personne.
Cuisiner suppose une tête légère, un esprit généreux et un cœur large.
La vérité ne se dégage pas de la polémique, mais des oeuvres qu'on a faites.
Elle était peu jolie, en somme, selon les règles européennes de l’esthétique. Mais elle était belle. Tous ses traits offraient une harmonie raphaélique dans la rencontre des courbes, et sa bouche avait été modelée par un sculpteur qui parle toutes les langues de la pensée et du baiser, de la joie et de la souffrance. Et je lisais en elle la peur de l’inconnu, la mélancolie de l’amertume mêlée au plaisir, et ce don de la passivité qui cède apparemment et, somme toute, reste dominatrice.
Il me fallut revenir en France. Des devoirs impérieux de famille me rappelaient.
Adieu, terre hospitalière, terre délicieuse, patrie de liberté et de beauté ! Je pars avec deux ans de plus, rajeuni de vingt ans, plus barbare aussi qu'à l'arrivée et pourtant plus instruit. Oui, les sauvages ont enseigné bien des choses, ces ignorants, de la science de vivre et de l'art d'être heureux.
" Finalement, trouvant la civilisation trop ennuyeuse à supporter, il s'est retiré à Tahiti, où il a vécu, aimé et peint et mourut comme un sauvage. "
Émile Gauguin en 1921 à propos de son père, Paul (1848-1903).
(Préface, page xi).
Mais je ne la compris encore qu’imparfaitement ce jour-là.
Déçu comme je l’étais par des êtres et des choses si différents de
ce que j’avais désiré, écœuré par toute cette trivialité européenne, trop récemment débarqué pour avoir pu démêler ce qui
persiste de national dans cette race vaincue, de réel et de beau
sous le factice et désobligeant placage de nos importations,
j’étais en quelque sorte aveugle.
Aussi ne vis-je dans cette reine, d’un âge déjà mûr, qu’une
épaisse femme ordinaire, avec de beaux restes. Peut-être aussi
ce jour-là, la part juive de son sang avait-elle tout absorbé. Plus
tard, quand je la revis, je compris son charme maori. Le sang
tahitien reprenait le dessus. Le souvenir de l’aïeul, le grand chef
Tati, donnait à cette femme, comme à son frère, comme à toute
sa famille, un caractère de grandeur, vraiment imposant. Elle
avait cette majestueuse forme sculpturale de là-bas, ample à la
fois et gracieuse, avec ces bras qui sont les deux colonnes d’un
temple, simples, droits et le haut vaste, se terminant en pointe –
construction corporelle qui évoque invinciblement dans ma
pensée le grand triangle de la Trinité. Dans ses yeux brillait parfois comme un pressentiment vague des passions qui s’allument
brusquement et embrasent aussitôt la vie alentour. Et c’est ainsi
que l’île elle-même a surgi de l’Océan et que les plantes y ont
fleuri au rayon du premier soleil.
Tous les Tahitiens se vêtirent de noir et deux jours durant
on chanta les Himene de deuil, des chants de mort. J’ai cru entendre la sonate Pathétique.