L’eau était si sombre que la surface du lac constituait un miroir presque parfait. Jonathan grimaça à la vue de son visage usé par la fatigue. Son teint blafard faisait ressortir d’autant plus ses cernes bleus sous ses yeux noirs. Il aurait aimé plonger dans le bassin qu’il imaginait glacé, en espérant ainsi stopper l’effet du temps sur ses traits. Mais le zèle du gardien l’avait marqué. Il se contenta de se gratter la tête et d’arracher au passage un cheveu blanc trop visible à son goût. Il avait pourtant entendu dire qu’il ne fallait surtout pas y toucher, sinon cela empirait. Peut-être qu’il finirait bientôt comme Henry Castel, avec la boule à zéro. Le lieutenant soupira, dépité à l’idée des quarante balais qui avaient filé. Combien de temps allait-il tenir à ce rythme ? Il se tuait à la tâche sans être sûr de la raison qui le poussait.
Ils débouchèrent sur une plage de sable noir. Leurs lourdes chaussures de randonnée s’enfonçaient sur ce nouveau terrain instable. Mais ils en rirent, heureux d’être enfin arrivés et de pouvoir poser une bonne fois pour toutes leur sac à terre. Loïc tomba à genoux, face aux eaux sombres du lac des Cendres. Julia se hâta de libérer ses pieds endoloris dans l’idée d’aller les tremper.
Ils étaient si envoûtés par le paysage volcanique qu’ils ne remarquèrent pas la bâtisse en bois rouge derrière eux dans le renfoncement de la forêt. Ils n’avaient d’yeux que pour la surface lisse et sombre, et ils ne virent donc pas non plus l’épaisse silhouette qui les observait de l’une des fenêtres du cabanon. Cette dernière disparut en silence sous un rideau. Au même moment, le soleil finit de glisser derrière l’imposant volcan Montcineyre qui dominait le bassin, plongeant Loïc et Julia dans l’ombre. Jamais le lac des Cendres n’avait aussi bien porté son nom.