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Critique de AMR_La_Pirate


J'ai enfin lu ce roman d'inspiration autobiographique de Nathalie Longevial, Les Mèreveilleuses… Ce récit est dans ma PAL depuis sa sortie, confiée par l'auteure pour un service de presse.
Situation paradoxale : je l'ai accepté tout en sachant que je l'aborderais avec une certaine appréhension. Je préfère être honnête avant de publier ma glose : mon mari, mes ainés et moi avons aussi fait « le voyage en adoptie »… Je connais le sujet de l'intérieur, je peux en témoigner, mais je garde aussi une immense pudeur car ce magnifique parcours, semé d'embûches et de bonheurs, reste quelque chose de très intime et personnel. J'ai aussi une certaine expérience des troubles visuels… Bref, affaire sensible en vue !
En découvrant Semer des graminées, il y a un an environ, j'ai compris que Nathalie Longevial n'hésite pas à parler de sa vie personnelle dans ses écrits ; son style empreint d'humanité et de sincérité m'avait séduite… Mon a priori est donc teinté de confiance…

Une femme se cherche et attend : cette attente vague va peu à peu prendre forme et réalité… Elle veut adopter un enfant.
À l'autre bout du monde, à Hanoï, il y a un enfant perdu dans un orphelinat, perdu dans sa vie et perdant la vue.
Entre eux, il y a un fil, celui qui, selon une légende orientale « unit toutes les personnes qui doivent se rencontrer au cours de leur vie ». Lui aussi, sans le savoir encore, est dans le temps de l'attente.
Au bout de l'attente viendra la rencontre…

Immédiatement, la narration omnisciente m'a rassurée quant à une prise de distance, un certain recul… C'est un roman, inspiré de faits réels : les noms des personnages ont été changés. Pourtant, le JE s'insinue à l'occasion dans le récit, le JE de l'auteure qui interpelle ses lecteurs : « mais vous savez autant que moi qu'un rêve ne dure que quelques secondes »… Les dernières pages re-contextualisent la vraie vie. Impossible donc de vraiment croire à une véritable prise de recul.
Nathalie Longevial sait très bien parler de l'idée d'adopter un enfant, elle ne s'attarde pas sur les démarches, nous évite l'habituel et inévitable « parcours du combattant » auprès des services de l'Aide À l'Enfance pour obtenir l'agrément. Son écriture est factuelle quand il le faut, suggestive, honnête. Elle a préféré parler des ressentis et, surtout, elle a trouvé comment dire l'attente, cette longue grossesse psychologique, cette absence d'enfant, cette non-reconnaissance de la maternité en devenir. Parfois, j'ai relevé des redites, une certaine circularité dans la narration ; le style alors se fait illustration de la frustration, de l'impatience, de l'espoir, de la vacuité des journées… Elle nous décrit également la perception de cette attente par l'enfant, pris dans la routine de l'orphelinat, son sentiment d'abandon, ses résiliences.
Le changement de focalisation, l'alternance des points de vue rend le récit vivant, ménage des pauses et des passerelles. Déjà, le lecteur comprend que le projet va aboutir : il connaît les aboutissants et en découvre, au fil de sa lecture, les tenants.

Un récit résolument maternel, un point de vue féminin… le père est là, en tant que partenaire durant l'attente, mais comme en retrait, ainsi que les frère et soeurs. Même le mot inventé du titre, Les Mèreveilleuses, les exclut. C'est un choix délibéré et assumé, peut-être parce qu'il est difficile de se mettre à la place de l'autre. Je sais que ce terme a été emprunté à un autre de mes amis écrivains, Vincent Lahouze, auteur d'un roman d'inspiration autobiographique intitulé Rubiel e(s)t moi, un superbe livre, mais lui parle aussi du « repère », aux côtés de la « merveilleuse » et loin de l' « éphémère »…
Le rôle du père et de la fratrie s'étoffe à la fin, dès le moment de l'apparentement, quand le projet devient enfin concret, que la famille part finaliser l'adoption au Viet-Nam.

Je n'ai pas pu rester longtemps sur la défensive par rapport au sujet de ce livre…
Quelques échanges avec Nathalie Longevial, lors de la lecture de Semer des graminées m'avait déjà prévenue que nous avions des points communs ; à mon corps défendant, son personnage, par certains côtés, me ressemble. Je me suis, non pas identifiée à Mathilde, mais reconnue dans certaines pages de ce livre… J'ai revécu les questionnements, l'émotion, eu la chair de poule… Au contraire, parfois, elle m'agaçait, ramenant tout à elle…
Même si mon parcours de mèreveilleuse a été plus discret pendant la procédure d'agrément où seuls nos enfants biologiques savaient, puis pendant l'attente proprement dite, période durant laquelle seule la très proche famille avait été mise au courant, si je ne suis pas allée sur les forums (c'est mon mari qui y allait…), etc., je peux affirmer que Nathalie Longevial a écrit avec son coeur et ses tripes…
J'ai été frappée cependant par ce parti pris de parler essentiellement du lien maternel, que l'on pourrait juger égocentré. C'était parfois un peu dérangeant.

J'ai lu ce livre par petits bouts, un peu chaque jour, pas trop.
Je demeure persuadée qu'il y a des moments très intimes qu'il faut garder entre soi. J'en ai parlé avec mon mari, l'occasion de revivre à deux pleins de souvenirs. Toujours très pertinent, il m'a posé la question suivante : « si tu avais écrit un livre sur notre histoire d'adoption… ? ». D'abord, je ne l'ai pas laissé finir puisque, pour rien au monde, cela n'a et n'aurait été le cas… J'ai simplement tenu un journal de bord de quelques semaines, entre notre arrivée à Bogotá (Colombie) et notre retour en France et ce livret, imprimé en un seul exemplaire, a été remis au principal intéressé pour son douzième anniversaire. Mon mari a insisté : « prenons l'hypothèse selon laquelle tu aurais écris…, qu'aurais-tu mis dans ce livre et pourquoi ? »… Nathalie Longevial a senti le besoin ou l'envie d'écrire ce livre, elle a choisi d'y mettre l'attente, un choix que je respecte sans le comprendre ni le partager. Je suis certaine qu'elle a à coeur de protéger sa tribu…

Vous l'aurez compris : une lecture très subjective de ma part.
Un ressenti très personnel.
Ce roman plaira surement à ceux qui n'ont pas fait de voyage en adoptie car il y est question d'amour et de maternité, de parentalité, de légitimité… Celles et ceux qui y sont allés, s'y reconnaitront ou pas au regard de la merveilleuse aventure humaine que cela représente.


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