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Critique de marcbali


Aujourd'hui je vais évoquer Des choses qui se dansent récit autobiographique de Germain Louvet, danseur étoile à l'opéra de Paris âgé de 28 ans. Ce texte engagé est fluide et touchant, le jeune homme talentueux y résume son parcours artistique et personnel.
L'ouvrage débute et se termine en évoquant avec tendresse et affection Pablo, son amoureux ; l'écriture est pudique et délicate, leur histoire semble évidente. le danseur assume son homosexualité et indique : « je ne me trouve pas spécialement viril et j'en suis assez heureux. La virilité est une prison dont j'ai toujours été fier de m'échapper. J'ai vécu seul la découverte de mon corps, de mon identité. Même s'il a été difficile de le reconnaître, je n'ai pas vraiment évolué en fonction des codes dominants. » le premier chapitre raconte la soirée mémorable du 28 décembre 2016, le jour de sa nomination comme étoile à l'issue de la représentation du Lac des cygnes. C'est une apothéose, l'apogée mais pas encore l'acmé de sa carrière de danseur classique dans le temple de la danse française. Il indique : « je suis déchiré par la sensation grisante d'accéder à un rêve que j'ai à peine eu le temps d'imaginer et la peur effroyable de ne pas mériter cette réussite, cette reconnaissance, cette affection. J'en tremble. » Plus loin il continue : « je ne comprends toujours pas ce que je fais là. Par quel miracle je suis ici. J'ai cessé de me demander si je le méritais, si j'étais légitime. (...). Je vais faire ce que je fais depuis plus de vingt ans déjà, ce que j'aime plus que boire et manger, ce que je fais aussi naturellement que respirer : danser. Je vais même me faire applaudir pour ça. » Il devient danseur étoile après des années de formation à l'école de danse de l'opéra à Nanterre. Germain Louvet est originaire de Givry en Bourgogne, ses parents l'ont toujours encouragé dans ses choix. Il raconte comment à quatre ans il a commencé dans la maison familiale à danser. Plus tard il se souvient de celui qu'il a été : « même si je porte un costume, du maquillage, une coiffure, même si je joue un personnage, nulle part ailleurs que sur scène je ne me sens plus proche de ce galopin qui danse et dévale les sentiers escarpés à en oublier de respirer. » Ce récit est celui de son rapport à la danse et à ce milieu professionnel à la fois aimé et questionné. Il évoque sa formation, ses mentors, ses amis (Hugo Marchand notamment), son plaisir à danser et la compétition intense qui règne au moment des concours. Il est solide et impérial, beau et délicat. En quelques mots l'auteur dresse un autoportrait : « je suis une personne joyeuse, sociable, ce qui ne m'empêche pas de me sentir rassuré en incarnant ces moments d'égarement et de détresse qui ont quelque chose d'infiniment triste. (...). J'accepte de rendre visible ce que je tente d'habitude de cacher ou de contrôler. Cette petite fausse note que j'ai au fond de moi, mais que je m'assure toujours de recouvrir par l'accord majeur le plus triomphal. » Danser est une passion et un accomplissement ; mais le jeune homme ne se contente pas de ses succès et de ses triomphes (on note avec amusement le comportement d'une femme japonaise qui le voit à chacune de ses prestations et lui envoie des messages), il réfléchit et questionne le milieu auquel il appartient, il est porteur de combats sociaux (la réforme des retraites, la lutte contre les discriminations). Il interroge les rôles du répertoire classique avec les stéréotypes de genre dont ils sont les vecteurs ; son homosexualité ne l'empêche pas d'incarner ces personnages mais il se questionne. Alors qu'il est déjà étoile Germain Louvet raconte une scène humiliante qui se déroule en mars 2021. Il doit participer à la sélection des danseurs devant danser le jeune homme et la mort de Roland Petit. Il ne cite pas le nom du responsable de ce moment dégradant inutilement. Il n'exprime pas de rancune mais dénonce ce comportement méprisant. le jeune homme est pétri de valeurs de gauche et profondément humain. Dans un chapitre il scrute celles et ceux qui travaillent au sein de l'institution (les femmes de ménages, les serveuses de la cafétéria) et témoigne de son indignation vis-à-vis du sort qui leur est réservé. Confronté à une scène de racisme ordinaire dans une école de danse Louvet écrit : « j'ai des bouffées de honte. Face à ce genre de malaise, je me dis que j'appartiens vraiment à un milieu de merde et, qu'en plus, j'entretiens ! Avec ma gueule d'un premier de la classe du lycée Stanislas et ma raie d'apprenti curé sur le côté. » Son indignation et sa prise de position l'honorent. Les combats de Germain Louvet sont légitimes et nécessaires. Certains pourraient lui reprocher sa position au sein du système et son rôle privilégié pour défendre des engagements nobles. Force est de constater qu'il est sincère et gentil, il parle avec son coeur et contribue à donner du bonheur aux spectateurs tout en revendiquant et en soutenant des causes auxquelles il croit. Ce type de procès est donc infondé. Sa sincérité affleure notamment quand il confie : « je pense que je ne suis pas devenu danseur étoile par vocation, mais par opportunisme. Voyant que le milieu de la danse m'adouberait dans ce que je représente à la fois physiquement, socialement et intellectuellement, j'ai saisi l'opportunité d'en faire une ambition qui me donnerait l'occasion de m'exprimer, de vivre et d'être libre. » Son récit est un cri d'amour pour son art et une réflexion profonde sur sa condition et les nécessaires évolution du milieu de la danse classique.
Des choses qui se dansent est le portrait d'un jeune homme engagé et passionné qui consacre sa vie à la danse, il excelle pour le plaisir des spectateurs. Il n'est pas nécessaire de connaitre ce milieu pour apprécier ce récit bien écrit et découvrir un garçon de son temps, préoccupé des autres.
Voilà, je vous ai donc parlé Des choses qui se dansent de Germain Louvet paru aux éditions Fayard.

Lien : http://culture-tout-azimut.o..
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