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Critique de GeraldineB


"Comment pourrais-je donc chercher à m'échapper de moi-même quand je n'ai nulle part où être sur la terre?"
Il n'est pas de paix sans pardon.
Geoffrey Firmin, Consul de Grande-Bretagne au Mexique vient d'être démis de ses fonctions. L'alcoolisme, cette "maladie de l'âme" l'a peu à peu détruit. Impossible pour lui d'oublier la faute irréparable qui lui a valu son exil sur cette terre écrasée de soleil. Tiraillé entre l'appel de la vie et l'irrésistible tentation de la mort, il va de "cantina" en "cantina", engloutissant des litres de mescal. Quelques mois plus tôt, sa femme Yvonne l'a trompé et puis elle est partie, n'en pouvant plus, le laissant seul avec ses démons. Mais cet amour qui ne cesse de la tourmenter, Yvonne veut à tout prix le sauver. C'est un retour au Mexique. Nous sommes le Jour des morts, le dernier jour de la vie de Geoffrey Firmin et le lecteur est emporté sous un ciel brûlant, au coeur d'une nature luxuriante, où la beauté sauvage des convolvulus côtoie la forêt hostile.

Il faut se laisser porter par le rythme lent du texte et ne pas vouloir d'emblée tout comprendre car "Sous le volcan" s'ouvre sur la fin de l'histoire. Nous sommes en 1939. Geoffrey Firmin est mort depuis un an déjà. Et c'est Jacques Laruelle, l'ancien amant d'Yvonne qui donne corps au Consul dans ce premier chapitre qu'il est d'ailleurs bon de relire une fois le roman terminé, bien des choses s'éclairant alors. En effet, Malcolm Lowry a construit son roman en 12 chapitres qui forment un cercle, le dernier chapitre précédant le premier. Mais relire le premier chapitre, c'est se laisser tenter par une relecture du second puis du troisième et c'est entrer dans la danse une nouvelle fois. Car la lecture de "Sous le volcan" a quelque chose d'halluciné, presque d'hypnotique. C'est un long poème musical en prose qui me fait entendre, bien avant l'heure, une musique répétitive. Suivant l'état d'ébriété du Consul, le rythme ralentit, les phrases se déstructurent et le lecteur finit par ressentir lui aussi une forme d'ivresse, ce que le Consul appelle "le tournis à l'intérieur du tournis".

Mais peut-on sauver un homme qui se détruit de la sorte? L'amour peut-il être plus fort que la fausse douceur de la mort? Roman de la solitude et du désespoir d'un homme, "Sous le volcan" est aussi un magnifique roman d'amour. Geoffrey Firmin a été anéanti par l'abandon d'Yvonne. Pourtant, lorsque celle-ci revient, lui offrant de nouveau son amour et son désir, il ne sera pas à la hauteur de ce retour.
"Tu n'as donc plus un petit peu de tendresse ou d'amour pour moi, dis, plus du tout?"
"Oh que si je t'aime, je t'aime encore de tout l'amour du monde, mais mon amour est tellement loin de moi, si tu savais..."
Il est des mélancolies si profondes qu'on ne peut les combattre.
"Vois donc comme les choses familières savent être étranges et tristes. Touche cet arbre, ton ami de naguère: se peut-il hélas, que cela que tu connus dans le sang soit devenu si lointain! (...) Tu as perdu la clé de l'amour de toutes ces choses. Tu n'aimes désormais plus que les cantinas, pâle survivance d'un amour de la vie mué en poison..." 
Yvonne mourra elle aussi, emportée par la force d'autodestruction de son mari. Mais avant cela, elle aura beaucoup pleuré et Malcolm Lowry fera d'Yvonne celle qui s'élève dans le ciel au moment de sa mort quand le Consul, lui, sera plongé dans l'abîme.

Descente vertigineuse dans les profondeurs de l'âme humaine, "Sous le volcan" m'est apparu comme un roman grandiose, sans doute l'un des meilleurs romans qu'il m'ait été donné de lire. Il aura fallu dix ans et pas moins de quatre réécritures pour livrer enfin le livre tel que nous le connaissons aujourd'hui. Peut-on dire qu'il s'agit de l'oeuvre d'une vie? Puisant largement dans sa souffrance et ses amours, Malcolm Lowry semble en effet s'être consumé dans l'écriture de ce chef-d'oeuvre. Et c'est peut-être bien cela qui nous bouleverse et nous laisse sans voix, cette intuition que l'auteur nous a offert ici bien plus que son talent, qu'il y a laissé son âme. 


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