Trois meurtres pour osciller au bord du gouffre, trois meurtres pour discerner une puissance rare qui continue à émerger, trois meurtres pour résonner dans de nombreux ailleurs pour chacune et chacun.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/04/17/note-de-lecture-
trois-crimes-amelie-lucas-gary-julien-carreyn/
Trois crimes, trois meurtres (le caractère accidentel de certains d'entre eux serait peut-être établi après enquête), trois altercations éventuellement silencieuses, trois rencontres qui tournent mal, trois assassinats de femmes dont le coupable est une femme – ce qui est souligné d'un sobre mais néanmoins malicieux « c'est rare » dès la deuxième ligne du texte.
C'est sur la suggestion ou à la demande du vidéaste et photographe montmartrois
Julien Carreyn, dont « Les Demoiselles de Vienne », petit chef d'oeuvre de malice politique et culinaire, nous avait laissé un fort souvenir en 2008, qu'
Amélie Lucas-Gary, dont on aime tant ici le «
Grotte » (récemment réédité chez Vanloo, comme le présent ouvrage, publié en avril 2021), le «
Vierge » et le «
Hic », a accepté de projeter un récit poétique sibyllin – et pourtant diablement incisif – sur une série d'images extraites, comme des rushes par anticipation, du story-board virtuel d'un film en gestation, hypothétique, destiné à être tourné – ou non.
À la lecture, c'est plus qu'un ravissement qui vous saisit : avec ces «
Trois crimes » et leurs images ténues en résonance, avec la manière discrète qu'ils ont de légèrement surjouer la mise en page « poétique », on éprouve un sentiment de vertige rétrospectif, comme si ces mises à mort contenaient curieusement un secret lié à chacun des gouffres, fort différents, contemplés auparavant dans «
Grotte », dans «
Vierge » et dans «
Hic ». Tenant chacun solidement d'emblée le centre de la page, comme l'on s'assurerait avec ruse d'une position sur le go-ban, « Une femme tue une femme », « On trouve au matin dans la rivière » et « Une fille traverse » oscillent pourtant chacun au bord d'un abîme : c'est en se balançant juste au bord, par trois fois, que l'on peut se voir offrir (comme dans chacun des 44 volumes – à date – du post-exotisme volodinien, qui procède pourtant en apparence d'une toute autre histoire) une clé personnelle, sur mesure, pour chacune des serrures placées sur certains mystères, à Lascaux, à Saint-Denis et à Lourdes, ou encore à Ivry-sur-Seine et à Wellington – et pour d'autres sans aucun doute encore à venir.
Lorsqu'un apparent exercice de style, ou une vraie-fausse improvisation, en 40 pages y compris les photographies, commence ainsi à trouver des fréquences de résonance multiples et à dégager une puissance d'abord insoupçonnable, c'est sans doute le signe qu'il y a là, sous nos yeux, une oeuvre majeure en train de se structurer dans la durée, roman après roman, texte inclassable après mise en exergue.
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