Λέξω τὰ πάντα νητρεκῶς, ἅ μ´ ἱστορεῖς,
ἀρχῆς ἀπ´ ἄκρας·
Je dirai—
c'est sans détour que je dirai toutes choses...Je dirai
cela depuis l'origine et dès ce qui culmine.
Qu'est-ce qu'une civilisation ? Ma définition est simple. Une civilisation est une société à langue morte.
Il faut entendre dans langue morte langue sacrificielle. Une civilisation, à la différence d'une société humaine ordinaire, repose sur une langue sacrificielle, sacrée, dont la médiation est secrète, écrite.
Cette langue soustraite à l'oralité commune appelle des oeuvres ésotériques, ineffables, secrètes.
La langue écrite appelle finalement une littérature parce qu'en elle règne un appelant muet.
p. 271
Ecrire déstérilise la parole collective, souffrante, désirriguée, familiale, abstraite, sèche. Courante, dans le discours courant, la langue courante court les rues, s'étoile, se délave, s'assèche, se recroqueville, tombe. Elle tombe sur l'asphalte, ou sur le goudron, ou sur les pavés, aussi sèche, aussi pulvérulente, aussi siccative et fragile qu'une feuille morte. Elle s'effrite dans les journaux. Elle tombe enfin en poussière dans les caniveaux qui entourent les arbres à leur base.
Ecrire fait aborder une voix antérieure sur une rive plus écartée des contemporains, plus extérieure aux murs de la cité, mais plus vivante, et même renaissante, à défaut d'être encore sociale.
p. 147
Fragment XI.
(...) Le petit moineau qui se pose en frémissant près de sa petite main,
sa présence grêle et tiède le laisse égaré. Il demeure stupéfait, et en larmes.
Pourquoi pleurer quand tout ce qu'on pleure a déjà été pleuré,
et quand tout ce qu'on craint est survenu ?
p. 158
Là : parfaitement calme,
- du creux des rocs que la mer ronge
les marins jaillirent, ils tranchèrent qui les maintenaient au rivage
les cordes. La mer, qu'on tète et celle qui tue les vierges,
les filles scolopendre la frappèrent, filles aux beaux yeux du plat des rames
filles bateaux du mont Chauve, les filles blanches-noires, écumes-coraux, cigognes
au delà des Kalydnes paraissaient les voiles qui brillaient
en poupe la figure liée et les bras étendus, les étoffes
planantes par les souffles qui viennent du nord suivant le monde des étoiles, de la violence d'un vent qui brûle. C'est à ce moment là -
Moi, je suis venu te donner message, tout-puissant, de l'obliquité du récit,
du dit louche de la fille non touchée, l'inspirée,
car tu m'as établi et la veille et la garde, de la maison de pierre.
Aussi parce que tu me fus harcèlement pour te signifier en paroles, pour faire resurgissement mot à mot du récit,
tel tu m'ordonnas messager le plus hâtivement faisant jaillir de nouveau ce qui eut lieu - en vérité.
p. 117
Tout mot pour moi est un nom propre dont la racine plonge dans une terre préhumaine.
L'étymologue ne cherche pas des formes mais des aïeux.
Quelque chose hèle avant la signification.
p. 250
Note du lecteur : c'est la poésie même.
Anorexia en grec dit la négation du désir.
C'est, très précisément, la privation de l'orexis.
Il faut imaginer la phase inexcitable qui suit la volupté des hommes tout à coup étendue à la vie.
p. 141
Ob-scurus», c'est ce qui se tient là, devant, toujours déjà : devant. C'est ce qui se tient là, devant, comme en forêt, le couvert des feuilles plus loin et de telle sorte : l'éclaircie, la clairière. Obscur comme toujours de l'air, des lèvres au voeu d'un tutoiement.... Obscur comme en saillie et Dit du retrait même, littoral toujours déjà franchi dévastant la Terre la soulevant en Monde : les lèvres d'une plaie. Obscur de tous côtés et nulle part en deçà. Rien qu'ici : déjà-ourlet de la bouche de la voix et des mots avant toute parole en excédant le pli.