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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Coup de coeur pour ce huis-clos maritime, oppressant et philosophique !

Je ne m'attendais pas à une ambiance tropicale en ouvrant ce livre de l'irlandais Paul Lynch qui a pour habitude de placer ses romans sur sa terre natale. Pourtant, c'est bien sur une plage chaude d'Amérique latine, au bord de l'océan Pacifique, que nous faisons la connaissance de Bolivar, pêcheur expérimenté, un peu paresseux et alcoolique, bourru, attaché à peu de choses, qui est à la recherche de son collègue, Angel, introuvable en ce jour chaud et lourd. Il semble lui avoir fait faux bond et la belle Rosa, dans sa nonchalance et ses gestes ensuqués, n'en sait pas davantage.

« Quand il entre, c'est la Vierge de Gadalupe qui l'observe depuis son étagère en hauteur, comme s'il était une apparition divine se glissant à travers le rideau de perles de la porte.
Rosa est là, dans son hamac, endormie comme toujours. Il allume la télévision pour regarder la retransmission d'un match qui s'est déroulé la veille.
Rosa ! T'aurais pas vu Angel ?
La femme remue en geignant, contrariée. Elle descend du hamac en balançant les jambes et attache ses cheveux, debout dans la semi-pénombre. Lui ne distingue que ses yeux, comme si ceux-ci s'accaparaient le peu de lumière qui les entoure ».

Lorsqu'il convainc le jeune et frêle Hector, lycéen, de partir en pêche avec lui, malgré la tempête qui s'annonce et les alertes de son patron, nous devinons rapidement que cette pêche ne sera pas une sinécure…Pourtant, il ne le sent pas cet adolescent dégingandé Bolivar, de peu d'expérience qui plus est, pourquoi s'obstiner dans ces conditions ? Par provocation ? Par appât du gain ? Par inconscience et bêtise ? Par liberté ? Par peur, un type semblant le rechercher ?

La mer déchainée va malmener la frêle embarcation, le moteur tombe en panne, les moyens de communication sont détruits, imposant, entre ces deux hommes qui ne se connaissent pas, un huis-clos des plus tendus. La survie se met difficilement en place, chacun devant composer avec les faiblesses, le caractère, la nature de l'autre, en plein milieu de l'océan sur quelques mètres carrés ne permettant aucune intimité et imposant de dormir ensemble, dans la glacière à poissons, devenue tonneau de Diogène au milieu des eaux, cage du soleil et cage de nuit et ce silence qui s'accumule entre eux.

Leur vraie nature va respectivement émerger et se confronter. Bolivar va occuper son temps à des activités concrètes (assurer la survie, organiser les outils pour cela, s'imposer des activités physiques pour ne pas s'engourdir) plein d'espoir, tandis que le jeune Hector sombre vite dans le désespoir, renonçant dès le départ. Les reproches mutuels feront vite place à une forme d'entraide.
Entre espoir d'être sauvés, conditions de survie précaires, rares moments de courage succédant aux nombreux moments d'abattement, entraide et amitié, haine et violence, silences et confidences, les jours, les semaines, puis les mois, s'écoulent.
Eau de pluie, poissons et oiseaux crus pour seuls moyens de subsistance (la chair de fulmar est alors un met appréciée), nous assistons avec fascination à la déchéance graduelle des corps, aux carences et maladies puis au délitement progressif des esprits.

« Chaque perle de pluie qui franchit leurs lèvres, qui se dépose dans les gobelets ou remplit le seau est une goutte de temps et de vie distillée ».

Face à la mer, face à ce désert maritime qui s'étire jusqu'à la ligne d'horizon, les deux hommes seront surtout face à eux-mêmes, les questionnements des consciences bien plus à vifs dans cet entre-deux entre la vie et la mort. La folie aussi s'invite au voyage par touches subtiles et croissantes. C'est tragique et percutant, captivant et glaçant de réalisme. le poids de nos actes passés, totalement mis à nus, sans amers derrière lesquels se cacher, prend alors tout leur sens, aussi dur que le constat soit. J'ai été étonnée d'y trouver mes propres interrogations, mes propres faiblesses enfouies, ce roman s'est imposé en moi et à moi, avec force et émotion, avec stupéfaction et gêne aussi. Ce jugement implacable sur soi est également entrecoupé de belles leçons de lâcher prise et d'acceptation.

« Viennent ensuite des jours où il est habité par une joie de plus en plus intense. Un sentiment jailli de l'intérieur, fait de liberté et de possibles, convoqué par chaque aube brûlante, le monde se relevant de ses cendres pour exister de nouveau. Muets de saisissement, Hector et lui regardent le monde se recomposer dans une magnificence de couleurs. Comme s'ils étaient les premiers à contempler des ciels pareils ».

Mais surtout, ce questionnement sur soi provoquée par l'isolement le plus extrême laisse peu à peu la place à un questionnement sur le vide existentiel et sur la condition humaine. Cette dimension, abordée avec finesse et subtilité, rend ce livre d'une richesse inouïe car il va bien au-delà du simple récit de survie. La survie place les personnages dans une telle position de vulnérabilité et de petitesse au sein de l'immensité et de la puissance de la nature, que la conscience se déplace, du nombrilisme elle prend de la hauteur pour convoquer l'universel. Les questionnements sur la vie germent et portent leurs fruits alors que les protagonistes flirtent avec la mort. Ce livre révèle alors avec brio sa véritable nature existentialiste à laquelle je ne m'attendais absolument pas.

« Sans y mettre de mots, il comprend qu'une tempête trouve son véritable sens dans ce qu'elle dévoile, que le chaos exprime ce qu'il est et donne forme à ce que l'oeil ne saurait percevoir ».

« Seul un homme libéré des exigences du corps peut comprendre le sens du mot liberté ».

La présence d'une sensibilité écologique est bien amenée, avec ses innombrables déchets plastiques trouvés par notre duo au fur et à mesure de leur divagation, pneus, sacs en plastique, collants, futs et barriques d'huile, dont ils se serviront parfois comme outils de pêche ou de chasse, ou encore comme récipients. Par ailleurs, les oiseaux et tortues attrapés et dépecés ont l'estomac remplis de boulettes plastique.

L'écriture, à la fois factuelle et poétique, épouse le récit et alterne son rythme suivant les soubresauts du périple, donc tour à tour lente et contemplative, puis hachée et haletante. Paul Lynch ne dit pas abruptement les choses, le tragique se devine au détour d'une phrase avec élégance et finesse. J'ai vraiment aimé le style de Paul Lynch, ses tableaux qu'il compose, ses images saisissantes faisant penser à Hémingway par moment.

« Des crevasses de lumière mourante dans le ciel. Les deux hommes finissent de poser les appâts, se dissolvant peu à peu dans l'obscurité. Pendant qu'Hector se dépêche d'en accrocher un à la ligne alanguie, Bolivar fait virer le panga de bord. Les bidons de Javel qui servent de flotteurs ressemblent à des méduses un peu ternes ».


A noter que Paul Lynch s'est inspiré d'une histoire vraie, celle d'un pêcheur salvadorien retrouvé en 2014 sur un atoll des îles Marshall, au milieu de l'océan Pacifique après treize mois à dériver. Un fort orage avait en effet détruit son moteur et ses moyens de communication. Son coéquipier était mort pendant l'aventure.
L'auteur, à partir de ce fait divers, nous livre un huis-clos réaliste, poétique et philosophique marquant interrogeant nos propres questionnements intimes, notre condition humaine devenue alors si peu de chose dans l'immensité de la mer.

Ce livre, un phare guidant la conscience ayant plongé son faisceau dans le puits de mon être…


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Bolivar prend la mer en dépit des avertissements sur la tempête à venir. Il embarque avec lui le jeune Hector. 
Les choses tournent mal. La tempête sévit et les deux hommes et leur embarcation se trouvent en difficultés, à la dérive.⛵
Bolivar tente de rassurer Hector. Il y a des hauts et des bas. Ils tiennent bon. Les jours passent. Et les provisions s'amenuisent, quant à l'espoir, il faiblit tout comme la foi.
Hector dépérit à petits feux sous les yeux de Bolivar et ce dernier est démuni.

Un récit avec beaucoup d'intensité, l'humain dans toute sa complexité, ses forces et ses faiblesses, un face à face avec l'océan qui creuse de profonds sillons dans l'âme dont on ne peut pas tous sortir indemne.

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Pour ce quatrième livre, Paul Lynch a décidé d'explorer un territoire encore inconnu sous sa plume : l'océan. Délaissant sa terre natale, l'Irlande, qui lui a servi de décor pour ses romans précédents, l'écrivain au style si particulier propose à son lecteur un voyage existentiel sur l'océan en compagnie de deux personnages, Hector et Bolivar.

Ces deux hommes, abandonnés au milieu de l'océan après une terrible tempête, se retrouvent prisonniers de leur propre embarcation, loin de tout, à la dérive. Face au silence assourdissant qui règne, et les jours puis les semaines qui finissent par s'écouler, leur esprit est peu à peu assailli de questions et d'interrogations qu'ils n'auraient, en d'autres circonstances, jamais imaginé se poser.

Toute la beauté de ce livre réside dans ce redoutable face-à-face qui met en scène deux hommes et un océan implacable. Plus qu'un livre de survie classique, ce roman est avant tout un essai existentiel sur la condition humaine. C'est dans le minimalisme de l'intrigue, des personnages et du décor que Paul Lynch confronte l'humanité à sa condition à travers Hector et Bolivar. L'écrivain tente, à sa façon, de répondre à des questions métaphysiques sur ce qui fait "être un homme", intrinsèquement.

Fidèle à sa prose si particulière, mêlant lyrisme et poésie, Paul Lynch nous offre, encore une fois, un roman bouleversant qui nous accompagnera longtemps.


Lien : https://mon-imaginarium.wixs..
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Paul Lynch, quel auteur ! Une écriture flamboyante pour parer et peut-être contrer la solitude qui anime ses livres et peut-être celui-ci tout particulièrement.

Ce roman nous embarque magistralement sur un bateau errant au milieu d'un océan qui déroule ses vagues dans un infini de jours, de pages, de miles. Sur cette barque deux pêcheurs réunis bien malgré eux, que rien ne rapproche, même pas l'envie de pêcher. Au fil de leurs dialogues pauvres, violents, rugueux, émouvants, parfois bienveillants, au fil de leurs silences lourds, rancuniers, parfois aimants, parfois ludiques, l'auteur amène ses personnages à dénuder leur âme sous nos yeux jusqu'à râcler l'indicible, le plus secret, le jamais évoqué, pensé ni même su.
Ce livre-miroir renvoie le lecteur à son humanité si maladroite. La laideur y côtoie la beauté, les terreurs, la folle espérance... Un très grand roman.
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Partis en mer malgré un avis de gros temps, le pêcheur sud-américain Bolivar et son jeune compagnon Hector se retrouvent prisonniers de la tempête, puis d'un bateau avarié dérivant sur l'immensité de l'océan Pacifique. Unis dans un tête-tête forcé, les deux hommes organisent leur survie, autant physique que psychologique.


Après une première partie dominée par la tension de l'action, tandis que Hector et Bolivar, que jusqu'ici tout opposait, réunissent leurs forces contre les éléments déchaînés, puis pour assurer les bases de leur survie, le récit se resserre peu à peu sur la confrontation psychologique des deux hommes, et enfin de chacun avec soi-même. Alors que le temps s'allonge et se vide pour les deux Robinsons, désormais rodés quant à leur précaire organisation matérielle, c'est leur mental qui envahit la narration. Et dans la lutte sans merci entre leur volonté et leur désespoir, on assiste à leur mise à nu jusqu'au tréfonds de leur être, et à leur terriblement tardive prise de conscience de ce qui fait le véritable prix de la vie.


Bien plus qu'une histoire de survie, Paul Lynch nous propose, au travers de ce roman métaphorique, une réflexion d'envergure sur la condition humaine. Car l'errance de ces deux hommes perdus dans une immensité déserte, oscillant entre désespoir et foi en leur survie, torturés par la conscience de leurs fautes dans une expiation préalable à une possible rédemption, n'est autre que celle de toute l'espèce humaine. Ainsi l'aveuglement de notre orgueil et de nos égoïsmes s'assortit de nos doutes et de nos peurs face à notre destinée de mortels. Ainsi nous partageons-nous entre, d'un côté, la perception de notre insignifiance, à la fois écrasante et miraculeuse dans une nature immense et incontrôlable qui nous renvoie à notre solitude dans le vide de l'infini, et, de l'autre, notre espoir et notre foi en une possible issue à notre finitude. Enfin, ainsi cherchons-nous le chemin qui donnera un sens à notre existence, celui qui passe par des valeurs universelles transcendant nos individualités.


A la fois poétique et réaliste, aussi profondément juste dans l'exploration psychologique de ses personnages qu'impressionnant dans son évocation des variations infinies de la mer, et surtout doublé d'une portée philosophique et mystique magistralement suggérée, ce roman a tout pour devenir un monument de la littérature. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Que vous dire de ce roman de Paul Lynch.je fais ma critique " à chaud" ,j'ai été surprise du virage qu'il a pris .Ayant lu deux de ses romans :Un ciel rouge le matin et La neige noire qui en fait est une saga racontant l'histoire d'une famille Irlandaise émigrant aux States et puis finalement revenant en Irlande .J'avais beaucoup aimé l'histoire et le style de l'auteur .Là c'est tout à fait différent : un pêcheur Sud -Américain:Bolivar,malgré un avis de tempête va embarquer un jeune :Hector ,car son matelot est introuvable.Ilsvont prendre des risques car tous deux vont se retrouver au milieu d'éléments déchaînés.Contraint de vivre dans un espace réduit, ils vont au début s'affronter pour finalement s'étudier, chacun ayant des réactions différentes face à la mort qui les guette.Un face à face décrit d" une magnifique plume .Une analyse du comportement humain face à certaines situations décrite avec subtilité ,finesse ,une introspection de l'homme ,magistrale .C'est un roman qu'il faut lire ,au calme ,confortablement installé(e)au coin d'une cheminée,en faisant abstraction de tout ce qui nous entoure et en faisant le vide dans notre esprit ,afin d'en mesurer toute la beauté, vous l'aurez compris ,j'ai adoré et je pense que je le relirai pour en apprécier davantage ,certains passages.⭐⭐⭐⭐⭐
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Un rivage d'Amérique du Sud, côté Pacifique, (quel joli nom en fonction de ce qui suit) terre des cartels également.
Bolivar doute de son avenir avec Rosa. Bravache, inconscient, les deux peut-être, il part pêcher et emmène avec lui le jeune Hector. Une tempête, pourtant annoncée se déchaîne et va souder les deux pauvres humains malgré les limites de l'Espérance.
Grâce à une écriture cinématographique ,j'ai été tenue en haleine de bout en bout dans ce voyage désespéré. Beaucoup de talent ce P.Lynch.
Merci aux Edts A.Michel pour cette belle lecture.
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Un récit surprenant, dur et intense, dont l'écriture sait se réduire à l'essentiel ou faire preuve d'un beau talent poétique. J'ai beaucoup aimé le style à la fois très visuel et introspectif. J'ai pu terminer le livre sans me précipiter à sa fin mais ma lecture était avide d'y arriver pour … savoir : une fois embarquée avec les deux protagonistes impossible de les abandonner.
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Prendre la mer, coûte que coûte, malgré l ‘annonce d'une tempête… Avec un inconnu de surcroît…
Bolivar, un pêcheur sud-américain, embarque en compagnie du jeune Hector. Ils sont rapidement à la merci des éléments, tout petit dans l'immensité de l'océan pacifique déchainé…
Les jours se suivent… Bolivar et Hector font connaissance. Nous découvrons deux hommes aux caractères bien différents avec leurs forces et leurs faiblesses.
Les jours ne se ressemblent pas… Il faut trouver de quoi subsister, tenir bon, malgré le manque de tout.
Les jours, n'existent plus… Nous perdons la notion du temps, comme les protagonistes, au fil des pages et au rythme de la coque de noix, qu'est devenu leur bateau, qui divague au gré des vents et des courants…
C'est le premier roman de Paul Lynch que je lis et j'ai fait une belle découverte. « Au delà de la mer » nous plonge dans le passé des personnages, leurs erreurs et leurs regrets.
C'est inconfortable tellement l'atmosphère est pesante. Une lecture forte qui tient en haleine jusqu'à la dernière page.
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Comme tous les jours, Bolivar s'apprête à prendre la mer pour aller pêcher, se fichant bien de la tempête à venir, que craignent les autres pêcheurs. Angel, son coéquipier n'est pas là, et c'est Hector, un adolescent du coin, qui prend sa place. Pulsion suicidaire ou excès de confiance en soi, Bolivar mène son bateau au coeur d'une mer déchaînée, dont l'équipage ne ressortira pas indemne. le moteur bousillé, les moyens de communication hors service, Bolivar et Hector se retrouvent seuls sur l'eau. Viennent-ils d'entrer dans un enfer – celui de la déshydratation et des requins qui rodent – ou sont-ils, au contraire, aux bornes des retrouvailles avec la vie, la nature et leur essence propre ? Dans Au-delà de la mer, la solitude et la camaraderie coexistent simultanément. Être seul y est a la fois une chance et une malédiction – chance de découvrir la vérité sur soi-même et malédiction que cette vérité fasse disparaître tout espoir. Roman de survie pour l'un des personnages, roman d'abandon pour l'autre, Paul Lynch alterne entre le magnifique et le grotesque, et laisse peu à peu la folie tout dévorer.
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