AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782226392169
496 pages
Albin Michel (02/01/2019)
3.43/5   300 notes
Résumé :
Irlande, 1845. Par un froid matin d’octobre, alors que la Grande Famine ravage le pays, la jeune Grace est envoyée sur les routes par sa mère pour tenter de trouver du travail et survivre. En quittant son village de Blackmountain camouflée dans des vêtements d’homme, et accompagnée de son petit frère qui la rejoint en secret, l’adolescente entreprend un véritable périple, du Donegal à Limerick, au cœur d’un paysage apocalyptique. Celui d’une terre où chaque être hum... >Voir plus
Que lire après GraceVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (90) Voir plus Ajouter une critique
3,43

sur 300 notes



"Affleurant d'un lieu où les mots n'ont pas cours, lui vient la conscience d'un détraquement de l'ordre des choses."

***

Conteur prodigieux,  Paul Lynch rouvre un chapitre tragique de l'histoire de son pays en nous plongeant dans l'épisode particulièrement meurtrier de la Grande famine qui a ravagé l'Irlande - alors colonie britannique, au milieu du XIXème  Siècle. Pour cause - l'émergence du mildiou sur l'île, une maladie parasitaire responsable de l'anéantissement des cultures de pommes de terre servant de base à l'alimentation des paysans. 

Traversé par un souffle puissant, ce récit d'une beauté ténébreuse, met en scène un personnage principal féminin absolument inoubliable dont nous suivrons pas à pas l'effroyable odyssée - du Donegal natal de l'auteur à  Limerick, sur une terre exsangue abandonnée des hommes et des dieux.

*

Octobre, 1845

"La récolte est perdue, tu le sais aussi bien que moi. J'ai demandé partout, mais personne n'est prêt à faire l'aumône. Moi, je suis trop avancée dans ma grossesse, il faut que tu t'occupes de toi. Tu dois te chercher un emploi (...). Reviens-nous à la fin de la saison, quand tu te seras rempli les poches."

Au sortir d'une scène inaugurale empreinte de bestialité, Grace - l'aînée d'une fratrie de bientôt cinq enfants, se voit jeter sur les routes à l'approche de l'hiver par sa génitrice. Si en cette période de misère noire, c'est une bouche en moins à nourrir, sans doute pense-t-elle également la protéger des intentions concupiscentes de Boggs, le propriétaire de la masure où la famille réside. 

Sommée de gagner sa pitance à tout juste quatorze ans, l'adolescente - travestie en garçon, quitte désemparée son petit village de Blackmountain. Y reviendra-t-elle? Serait-ce la porte de l'enfance qui se referme brusquement et définitivement derrière elle? Ainsi livrée aux caprices du hasard, n'est-elle pas vouée à une fin certaine?

"Le chagrin s'abat sur elle. le regret de ce qui n'est plus. La douleur de ce qui vient à la place."

Pareil à la nature agonisante, le lecteur se trouve lui aussi comme figé "dans la stupeur de l'attente". Enveloppé d'une atmosphère à la fois pesante et menaçante, il tourne les pages avec fébrilité, redoutant la réalisation des sombres présages qui tendent à se dessiner. Quelles perspectives d'avenir pour cette jeune fille qu'il tient déjà en affection?

*

Accompagnée de son frère, un soutien physique puis spectrale indéfectible, Grace cheminera du nord au sud du territoire - rejoignant alors les hordes faméliques de pauvres hères - vagabonds, mendiants ou brigands poussés au pire par la disette. Pluie diluvienne, froid dévorant, tortures de la faim, pénible labeur, danger omniprésent, morts et absences obsédantes,…mue par un instinct de survie incroyable, elle apprendra à composer quoiqu'il lui en coûte, avec une adversité au visage sans cesse renouvelé. Mais à quel prix?

"Elle cherche en rêve ce qu'elle a été autrefois. Je suis en train de basculer hors de ma vie pour tomber dans celle d'une autre."

Partageant intimement, ses émotions, ses souffrances, ses doutes, ses visions cauchemardesques voire hallucinatoires, ses tiraillements et questionnements existentiels, le lecteur abandonne son statut d'observateur pour faire corps avec elle. En dépit de quelques longueurs révélatrices de l'interminable périple qui s'impose à notre protagoniste, l'intérêt est continuellement tenu en éveil. 

Au gré des épreuves et rencontres jalonnant ses longues années d'errance aux allures d'épopée  initiatique, Grace connaîtra nombre de métamorphoses. Dans cet abîme de noirceur, la chrysalide deviendra papillon et s'envolera peut-être - souhaitons lui, vers une vie de lumière. Grace, toi qui a porté sur tes frêles épaules les tourments de tout un peuple soumis à une catastrophe innommable, sois-en sûre, j'emporte ton souvenir avec moi…

"Elle a beaucoup voyagé, découvert la terre avec ses mille voix (...), et au contact de cette multitude lui est venue la conviction que la terre n'était pas une,  mais qu'il en existait autant qu'il existe d'individus, et qu'une terre toujours nouvelle accueillait les mutations de nos vies. Nous vivons sous cent millions de soleils,  et chacun d'eux s'éteint sous un même soleil sans limite qui brûle dans son mystère éternel."

***

Porté par une prose lyrique et envoûtante, un roman magnifique nimbé de grâce que je vous invite à découvrir!
Commenter  J’apprécie          7013
Poussée par sa mère enceinte d'un cinquième enfant, Grace part sur les routes pour trouver du travail et surtout pour échapper aux assiduités de l'homme qui leur loue une misérable masure.
La fillette de 14 ans déguisée en garçon affronte le froid, la faim, la peur, la solitude bien que l'ombre de son jeune frère ne la quitte pas.

Paul Lynch brosse un magnifique personnage féminin.
Grace est admirable de courage, elle avance pour ne pas mourir et deviendra adulte au fil des rencontres, pas toujours heureuses.

Le récit joue alterne entre noirceur et lumière, les peurs et la paix, la vie et la mort, le désespoir et le dégoût, et on se laisse porter par l'écriture magnifique de Paul Lynch, généreuse, juste et sincère, passant régulièrement la ligne du réel pour voguer sur l'imaginaire.

Je ne connaissais pas Paul Lynch, ce roman m'a permis de découvrir un immense écrivain.


Commenter  J’apprécie          471
Les dieux les ont abandonnés, il est temps que chacun devienne son propre dieu. Les règles ont cessé d'exister. La récolte est perdue, partout c'est la misère noire, seul le souffle de la mort balaye les champs. Sarah ne voit pas d'autres solutions que de couper les cheveux de sa fille Grace pour qu'elle parte chercher un emploi et trimer comme un homme et aussi qu'elle échapper à Boggs leur propriétaire une brute imbécile. Les chemins pullulent de mendiants qui s'ils trouvaient preneurs vendraient leurs bras et leurs jambes contre de quoi manger.

Ce roman raconte donc le cheminement dans la campagne irlandaise d'une jeune fille accompagné par le fantôme de son frère mort noyé pour survivre entre solitude, misère et superstitions. Elle va être de plus en plus téméraire et n'hésitera pas à voler, au fil des ses rencontres elle deviendra petit à petit une femme.

Ce roman est superbement bien écrit et les descriptions des ravages de la famine sont portées par la poésie et le lyrisme de la plume de Paul Lynch. Mais je n'ai pas été transporté par cette histoire, où morts et vivants se confondent. le parcours de Grace à travers un pays ravagé m'a semblé bien long et un peu ennuyeux, car l'intrigue est vraiment légère et le propos sinistre.
Commenter  J’apprécie          440
1845 en Irlande. Le mildiou anéantit la culture de pommes de terre, base de l'alimentation des paysans. Une terrible vague de famine déferle sur le pays jusqu'en 1852, jetant hors de chez eux des millions de pauvres gens et réduisant la population d'un quart, par l'effet conjugué de l'émigration et des décès.


Lorsque la catastrophe survient, Grace vit déjà très pauvrement avec sa mère et ses petits frères. Ils ne mangent guère à leur faim, et seul le droit de cuissage qu'exerce le propriétaire sur leur mère leur permet de garder leur maison. Quand l'homme se met à lorgner Grace, la mère décide de protéger sa fille en la faisant partir, travestie en garçon.


Jetée sur les routes sans ressources, Grace commence une longue errance, en compagnie de son petit frère Colly qui, de diverses façons, la soutiendra indéfectiblement tout au long de leur interminable périple.


Dans des paysages frappés de désolation, Grace va se mêler aux hordes errantes de mendiants, de brigands et d'assassins, et, de son regard d'enfant bien vite devenu femme, découvrir le climat apocalyptique d'une Irlande ravagée par la faim, peuplée de pauvres hères réduits aux pires extrémités pour survivre. Les pas de Grace vont bel et bien lui faire traverser ce qui ressemble à l'Enfer, jusqu'au bout de l'innommable, là où vous ne pourrez plus lire sans frémir d'horreur.


Pourtant, au plus profond du désespoir, au bord de la folie et de l'anéantissement, subsiste chez Grace l'instinct de vie, une capacité à se réfugier dans une autre réalité et à se raccrocher aux plus infimes lambeaux d'humanité.


Aucun récit de la Grande Famine irlandaise ne m'avait fait sombré aussi près de l'atroce réalité. Je referme ce livre avec une sensation prégnante de cauchemar, un peu celle ressentie devant un tableau de Jérôme Bosch. Si cette traversée de l'Enfer m'a parfois semblé un peu longue, elle constitue un très bel hommage à toutes les victimes anonymes et oubliées de cet épisode meurtrier de l'Histoire.


Prolongement sur la Grande Famine Irlandaise dans la rubrique Le coin des curieux, à la fin de ma chronique sur ce livre, sur mon blog :
https://leslecturesdecannetille.blogspot.com/2019/04/lynch-paul-grace.html


Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          452
Empoignée par sa mère, juste avant l'aube d'un jour d'octobre, Grace est brutalement traînée jusqu'au billot de bois. La lame du couteau s'avance et l'adieu à sa chevelure sonnera son départ de Blackmountain. En supprimant ses mèches de cheveux, sa mère lui donne la force pour contrer cet octobre du déluge. Affublée d'une culotte d'homme, la casquette rivée sur son crâne douloureux, Grace a quatorze ans et doit partir sur les routes du Donegal pour tenter sa chance, trouver du travail et fuir dans le même temps les envies du dégoûtant Boggs.
Dans ce comté du Donegal et dans toute l'Irlande, en cette année 1845, les récoltes gâchées par les pluies incessantes ne laissent plus que la boue noirâtre et la faim dévorante dans son sillage. La Grande Famine est là et le lecteur se voit jeter dans cette misère, cette désolation, cette souffrance qui vont s'attacher à chacun des pas de cette jeune fille si peu armée pour y faire face.
Son frère Colly et sa pipe en argile qu'il fume déjà à l'âge de douze ans pour calmer sa faim, se sauvera de chez eux pour l'accompagner.
La première ville rencontrée sera masquée sous la pluie et ne leur offrira que sa surface détrempée. Sous un appentis percé de toutes parts, jonché de paille moisie, il faut y passer la nuit de Samhain sans oublier de tenir les esprits des morts à distance même si finalement les morts sont bien moins menaçants que certains vivants rencontrés en chemin. Déjà les pensées de Grace ne peuvent qu'affirmer « La vérité, pense-t-elle, c'est que le froid est la nature profonde du monde, alors que la chaleur n'en est qu'un état passager. »
Puis la rivière en furie, grossie de toutes ces pluies d'automne, viendra s'additionner au malheur existant.

Paul Lynch est un auteur à l'écriture pleine d'ardeur et de fièvre poétique, restituant profondément la noirceur et la détresse de ces routes d'Irlande ravagées par la faim. Sous la lourdeur du ciel sans cesse assombri, il nous décrit implacablement les démarches des loqueteux alourdis par la misère, les regards absents, ce dénuement si intense, ce visage de la faim. Les images de ces mendiants, prêts à vendre n'importe quelle harde pour une piécette, la vision des enfants prématurément vieillards, s'impriment avec douleur sur les pages.
L'auteur fait défiler les champs de tourbe et décide bien rarement d'inviter le soleil dont les rayons ne s'attardent jamais sur ces terres qui ne nourrissent plus. La pluie embrouille perpétuellement ce ciel irlandais et les vêtements dégoulinent comme les pierres des misérables habitations.
Son héroïne, sur laquelle on ne peut que s'apitoyer tout en étant sidéré par cette force qui la pousse inlassablement à continuer sa route, nous étreint, nous fait mal. Si jeune, les traumatismes qu'elle subit et affronte pour survivre ébranlent.
Dès le début, hébétée, elle sera retrouvée sur la baie par un Charlie qui la ramènera chez lui et la misère prendra un temps le goût de la soupe d'algues servie tous les jours. Elle repartira tenter sa chance et sera bien loin d'être seule sur les routes où le nombre de va-nu-pieds aux mines tourmentées, aux figures hâves ne cesse de croître. La crainte à chaque pas ne la quittera plus ainsi que le dégoût d'elle-même car elle détourne son regard de ces êtres en détresse qui lui lèvent le coeur. Les suppliques lues dans les yeux des mendiants la culpabilisent et la révulsent. Tout ce malheur qu'elle n'ose plus regarder en face, toutes les mauvaises rencontres hantent ses rêves. Sa famille qui se dissipe au fur et à mesure qu'elle avance lui fait comprendre ce qu'elle était et cette autre qu'elle est désormais et qui lui fait honte. C'est une entrée dans un autre monde qui l'horrifie et dont elle se méfie en permanence. Ses agissements, ses interrogations, ses relations avec les rencontres faites sur ce sol plein de danger interagissent avec la voix de Colly qui la prévient souvent et bavarde infatigablement.
La survie revêt des visages abominables, des violences traumatisantes, des menaces permanentes, des vols inévitables et des morts accablantes. Sur son interminable route, Grace pose régulièrement son regard sur la nature, sur les arbres environnants et sur les oiseaux, merles, pies, corbeaux pour s'ancrer dans un réel qui appartenait à sa vie d'avant. C'est un souffle bienvenu au milieu de la noirceur.

Magnifique lecture, cette marche où Grace semble se perdre elle-même, emportée par les personnes croisées en chemin, contrainte à des actes répréhensibles, est terriblement éprouvante. Mais Grace s'accrochera jusqu'au bout à un signe d'espoir dans son pays dévasté par le mildiou.
Commenter  J’apprécie          312


critiques presse (7)
LeJournaldeQuebec
25 février 2019
Un roman plein de grâce, même si le sujet qu’il aborde est loin d’être facile et joyeux [...] Un roman d’apprentissage à la fois dur et beau, la plume de Paul Lynch pouvant être assez envoûtante.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LaLibreBelgique
01 février 2019
Paul Lynch poursuit sa plongée dans l’Histoire pour mieux explorer les questionnements universels. Avec Grace, l’écrivain irlandais signe le magistral parcours initiatique d’une adolescente jetée sur la route pendant la Grande Famine.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Telerama
01 février 2019
Irlandais jusqu’au bout... de la Guinness, Paul Lynch nous offre un troisième roman magistral, autour d’une adolescente, Grace, traversant, au XIXe siècle, le pays rongé par la Grande Famine.
Lire la critique sur le site : Telerama
LaCroix
01 février 2019
Chassée de chez elle, une adolescente tente de survivre dans une Irlande ravagée par la famine au XIXe siècle. Paul Lynch en fait une héroïne inoubliable.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeSoir
28 janvier 2019
L’auteur irlandais Paul Lynch revient sur la Grande Famine avec Grace, roman aussi sombre que lumineux.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LeMonde
14 janvier 2019
Plus qu’un livre historique, dont la trame pourrait être transposée à toute autre époque troublée, Grace est surtout un remarquable roman de formation.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeFigaro
13 janvier 2019
La Grande Famine de 1845 a inspiré à l'écrivain irlandais un magnifique roman, encensé tant en Angleterre qu'aux États-Unis.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (101) Voir plus Ajouter une citation
Octobre du déluge. Dans la première clarté du jour, sa mère vient à elle et l'arrache au sommeil, la soustrait à un rêve qui lui parlait du monde. Elle la tire, elle l'entraîne, la panique éperdue lui fuse dans le sang. Surtout ne crie pas, pense-t-elle, ne réveille pas les autres, il ne faut pas qu'ils voient maman dans cet état. Mais aucun son ne peut franchir ses lèvres, sa langue est liée, sa bouche scellée, alors c'est son épaule qui s'exprime à sa place. Elle proteste d'un craquement, son bras est comme une branche pourrie que l'on casse d'un coup sec. Affleurant d'un lieu où les mots n'ont pas cours, lui vient la conscience d'un détraquement dans l'ordre des choses.

(Incipit)
Commenter  J’apprécie          382
Elle s'allonge, attentive à la pulsation du monde. Le chant des oiseaux qui prennent congé du jour. L'air piqueté du grésillement des insectes. Et, plus proches, les bruits issus de son propre corps. Le crissement de son crâne nu au creux de son bras replié. Son souffle court, prisonnier de sa bouche. Quand elle plaque ses mains sur ses oreilles, elle entend qui s'élève un grondement de tonnerre lointain (...). Tout près, plus proche que tout le reste sous les cognements sourds de son cœur, le hurlement silencieux de l'effroi.
Commenter  J’apprécie          404
Dehors, la poigne du froid les accueille comme s'il n'était venu là que pour elles, embuscade d'une bête vorace dans le gris âpre du petit jour. Pourtant on n'est pas encore au plus vif de l'hiver, même si les arbres, dans leur nudité de vieillards promis au châtiment, se serrent les uns contre les autres sur une terre figée dans la stupeur de l'attente. Ce sont des sorbiers aux branchages sans grâce, amoindris et contorsionnés, comme démunis face à ce sol ingrat, et qui s'étiolent sous la pesée du ciel.
Commenter  J’apprécie          370
Détrompe-toi, je suis tout sauf idiot. Tu ne vois pas ce qui se passe autour de toi ? Les nantis, les richards de ce monde, ils se foutent éperdument de ce qui peut arriver au commun des mortels. Tu as vu ce village, hier, comme il était prospère, à l'abri de la malédiction. Et l'arrogance du cocher. Les choses vont ainsi, désormais. Pour les gens comme nous, c'est peut-être la fin du monde, mais eux, ça ne les gêne absolument pas. Tu veux connaître mon opinion ? Les affamés qui errent sur les routes continuent à croire qu'on va leur porter secours. Mais qui va venir les secourir ? Ni Dieu ni les Anglais, assurément, ni personne dans ce pays. L'espoir les fait vivre. C'est le mensonge auquel ils ont envie de croire. C'est l'espoir qui les aide à tenir debout. Qui les convainc de rester à leur place et les empêche de se rebeller. Je vais te dire une chose : moi, je n'espère rien. Je n'ai aucun espoir de rien, parce que espérer te rend dépendant des autres. Et moi, je veux fabriquer ma propre chance. Je crois que les règles ont cessé d'exister. Nous sommes totalement seuls, maintenant. Puisqu'ils ont décidé de nous laisser nous débrouiller, c'est exactement ce que nous allons faire. Et nous devons rester debout pour affronter tout ça. Je crois que si je veux obliger cette foutue voiture à s'arrêter ou à sortir de la route, je suis capable d'y arriver. Je le crois sincèrement. Il n'y aura qu'un gagnant dans l'affaire, eux ou moi. Et je compte bien remporter la partie — comment pourrais-je vivre, sinon ? Ce qui se passe en ce moment ressemble parfaitement à la fin du monde, la seule différence, c'est que les riches continueront à vivre sans souffrir. Les dieux nous ont abandonnés, voilà mon idée de la situation. Et le temps est venu que chacun devienne son propre dieu.
Commenter  J’apprécie          50
Elle assiste partout à l’avènement de l'été – quelle escroquerie, pense-t-elle, on croirait que le monde n'est que splendeur, mais c'est peut-être vrai, dans le fond, qui sait s'il n'est pas possible de réparer les choses. Cependant, à mesure qu'elle traverse les villages malingres, elle ne rencontre que le silence, les voix se sont tues, on n'entend même pas le cri des bêtes car les volailles et les porcs ont disparu depuis longtemps, et les rares chiens que l'on y croise sont tous faméliques et muets. S'ils n'aboient pas, explique Bart comme s'il avait lu dans ses pensées, c'est qu'ils sont en train de perdre la voix. Je t'ai demandé quelque chose ? a-t-elle envie de rétorquer. Un chien solitaire sur leur chemin leur lance un regard éraillé qui semble dire : Á une autre époque je me serais jeté sur vous en aboyant, je n'avais pas mon pareil au village, mais à présent je suis trop fatigué, je ne pourchasse même plus les chats, d'ailleurs il n'y en a plus par ici, des chats, et il y a si longtemps que je n'ai pas mangé, s'il vous plaît, donnez-moi une bouchée de nourriture.
Commenter  J’apprécie          70

Videos de Paul Lynch (31) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Paul Lynch
À l'occasion du Festival Étonnants Voyageurs à Saint Malo, Paul Lynch vous présente son ouvrage "Au-delà de la mer" aux éditions Albin michel.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2538466/paul-lynch-au-dela-de-la-mer
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite
autres livres classés : irlandeVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (678) Voir plus



Quiz Voir plus

Quiz de la Saint-Patrick

Qui est Saint-Patrick?

Le saint patron de l’Irlande
Le saint-patron des brasseurs

8 questions
251 lecteurs ont répondu
Thèmes : fêtes , irlandais , irlande , bière , barCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..