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Critique de Tachan


Quand nous avons vu les couvertures de cette réédition poche, nous sommes tous les deux, Steven et moi, tombés sous leur charme et la décision fut vite prise d'en faire une lecture commune tant l'impatience était grande de découvrir ce qui se cachait de beau derrière. Résultat : une lecture marathon quasiment en apnée pour moi afin de ne pas perdre le fil de ce récit abordable et addictif mais dense et exigeant aussi. Épique, magique et onirique !

Le Choeur des dragons est une saga en 5 tomes parues initialement en grand format entre 2020 et 2022 chez Bragelonne, mais avec des couvertures très sobres qui, personnellement, m'ont fait totalement me méprendre sur le contenu de l'oeuvre. Heureusement que la série est ressortie en poche avec une toute autre proposition reflétant bien mieux son contenu et sachant me donner envie avec ce squelette de dragon inquiétant et hypnotisant. Merci Elsa Roman !

J'avais souvent lu des avis signalant cette saga comme complexe à lire, j'ai donc été surprise par la facilité avec laquelle je suis entrée dans l'univers, certes riche, mais tout à fait abordable imaginé par Jenn Lyons. Celle-ci a une plume fort entraînante et surtout elle n'hésite pas à prendre la main au lecteur, ne tombant pas dans les écueil de l'info-bombing d'un côté ou du mystère à outrance, non elle dissémine avec astuce les informations au fur et à mesure de l'histoire selon les besoins et j'ai beaucoup aimé cela. Après, je ne cache pas qu'au fil des pages, l'univers et surtout les relations entre les personnages sont devenues plus complexes et que les annexes en fin de volume et notamment un certain arbre généalogique ont été bien utiles !

Mais revenons à l'intrigue. Jenn Lyons nous propose une fantasy épique, politique et mythologique assez classique, enchâssée dans une double narration comme je les aime contée à la fois par un homme qu'on suppose être le héros qui a été arrêté et est questionné, et son inquisitrice à la langue bien pendue. Entre eux, un jeu de chat et de souris s'engage aussi bien dans les intrigues qu'ils nous content en parallèle que dans les incipits et notes en bas de pages où ils semblent se répondre, ce qui rend la lecture fort savoureuse.

Nous suivons à travers la plume de Serre, la métamorphe inquisitrice, le récit de l'enfance du jeune Kihrin / Vol, fils de ménestrel, qui côtoie une maison de passe et joue les monte-en-l'air, jusqu'au jour où il tombera sur la mauvaise maison et se retrouvera embarqué dans une aventure qui le dépasse qui aura trait à ses origines et talents secrets. En parallèle, sous la plume d'un Kihrin adulte, nous découvrons comment il a été vendu comme esclave puis séquestré par un dragon tombé amoureux de sa voix, ce qui va l'amener à percer certains grands mystères de son monde.

C'est donc une intrigue fort riche qui attend le lecteur sur près de 900 pages et pourtant je n'ai à aucun moment ressenti de coup de mou. Certes j'ai parfois préféré l'une ou l'autre des intrigues qui s'entrecroisent selon le moment de l'histoire, mais elles m'ont à chaque fois donné envie de poursuivre et de découvrir ce qui allait encore arriver à Kihrin, ce héros dont on découvre peu à peu l'homme qu'il va devenir grâce à Serre, mais également l'homme qu'il est à présent à travers son propre regard.

Soyons franc, c'est le récit de Serre qui nous plonge dans les méandres des histoires familiales complexes et tordues de la grande famille à laquelle Kihrin va se découvrir appartenir que j'ai préféré. J'ai également été plus touchée par la performance de l'autrice sur l'écriture de Kihrin dans ce volet, passant de gosse des rues à fils de noble rebelle, de gosse indépendant, à fils sous la coupe non souhaitée d'un père toxique. Les histoires de la famille D'Mon (quel chouette nom !) étaient tortueuses à souhait, remplies de violence mais aussi de magie et de mystère, avec des personnages hauts en couleur que j'ai aimé adorer ou détester. le père présomptif de Kihrin est une horreur absolue, tandis que son jeune frère Galen et sa servante Miya étaient fort attachants. le décor très oppressant de ce huis clos familial a aussi contribué aux mystères qui allaient exploser ensuite et tout emporter.

Cependant, je dois avouer que question univers, c'est le récit fait par Kihrin, sur l'adulte qu'il est devenu, qui fut le plus riche, sauf que l'autrice fait preuve de plus de maladresse pour l'écrire. D'abord, je n'ai jamais été fan des récits d'esclavages, mais en plus ici, l'autrice passe rapidement sur bien des aspects ce qui empêche de vraiment creuser des choses qui auraient été nécessaire. On comprend mal les changements qui se produisent chez Kihrin car l'autrice passe trop vite sur les faits, les années, les rencontres et c'est bien dommage. Par exemple, il y a fort peu de magie réellement exprimée dans cet univers. On croise bien quelques créatures, démons, dragons, quelques sorts, portails, mais c'est toujours très bref. Ici on avait la chance de voir mettre en scène la rencontre avec un dragon qui avait une réelle aura, je l'ai trouvé trop peu exploité sur la longueur. Il apporte certes des informations sur l'univers mais j'aurais aussi aimé un lien plus profond et vécu avec le héros comme le titre le laissait présumer. Heureusement que les révélations étaient au rendez-vous, elles.

Car la saga de Jenn Lyons semble joliment reposer sur un mélange de mythologie à base de dieux qui n'en sont pas, de dragons qui n'en sont pas, de rois qui n'en sont pas, et de magie, et de politique de grandes familles qui vont venir twister tout cela. Cela donne ainsi une double narration, tantôt lente, hypnotique, intrigante, tantôt rapide, explosive, épique. le héros est tantôt attentiste, brinquebalé, tantôt en plein coeur de l'action et menant même celle-ci. Pendant longtemps, je me suis demandée, tout comme mon compagnon de lecture Steven, où l'autrice voulait nous conduire. Nous aimions notre immersion dans ce monde étrange et clôt, mais nous ne savions pas à cela allait et c'est en découvrant les ponts entre les deux intrigues et surtout entre les personnages croisés que cela a commencé à faire sens. J'ai vite trouvé cela jouissif. Je crois que cela a pris plus de temps à Steven. J'ai aimé cette overdose d'informations que j'ai eu dans le final pour faire le lien entre tout et révéler la toile d'ampleur que tout cela cachait. C'était un vertige savoureux pour ma part, je ne crois pas que cela ait été le cas de Steven, qui à une page près chutait du mauvais côté, si j'ai bien compris ;)

J'ai donc adoré les débuts de cette saga complexe où l'univers fut dense mais parfaitement accessible avec cette découverte boulimique que j'ai eu faite. Les bandeaux publicitaires sont cependant un peu trompeurs pour moi. Certes, c'est épique mais on est loin de l'écriture d'un Sanderson lors des scènes d'action. Il leur manque quelque chose pour moi, notamment avec cette magie que je ne trouve pas assez spectaculaire à mon goût, ni assez originale. On n'est pas non plus dans la poésie et l'onirisme de Rothfuss, même si on a un héros ménestrel charmant les dragons. Ce n'est pas assez développé et mis en valeur non plus. L'autrice emprunte savamment à bien des grands noms du genre mais ne les transcende pas. Elle fait une aventure honnête et passionnante à suivre mais avec des manques flagrant dans le worldbuilding pour que celui-ci soit vraiment explosif, immersif ou encore émouvant. Il y a trop de jeux sur les personnages, leurs noms, leurs relations présentes et passées, ce qui alourdit le récit mais est assez facile au final.

Plus proche d'une nouvelle version des Rois Maudits pour moi, avec cette saga familiale à travers les millénaires, que de Roshar ou du Nom du vent, le Choeur des dragons fut une lecture épique passionnante tout de même où j'ai beaucoup aimé les astuces de l'autrice pour sublimer son héros en devenir et le rendre aussi complexe que la famille dont il est issu. Nous ne sommes cependant que dans le premier tome d'une vaste saga dont les tout premiers secrets ont été percés, et encore à peine, ce qui nous réserve encore bien des surprises que nous avons hâte de mettre à jour avec Steven. L'éditeur semble parti sur la promesse d'un tome par mois, nous essaierons d'en faire de même pour poursuivre cette épopée familiale et mythologique bien enlevée !
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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