AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Jean-Daniel


Fadéla M’Rabet propose un essai incisif et sans concession sur la société algérienne d’aujourd’hui. Elle revient régulièrement sur les expériences qui ont été fondatrices dans sa vie de femme et de militante féministe et s'interroge sur la triple aliénation, selon elle, dont souffre le peuple algérien : l’ancien pouvoir patriarcal, l'ancien pouvoir colonial, le pouvoir actuel qui renforce le patriarcat.

L’incipit commence par l’évocation de Médée, la tragédie de Sénèque, où les destins scellés dès l’ouverture de la pièce n’empêchent pas la cruauté des personnages de se déployer : « Dans Médée, Sénèque dévoile le dénouement dès l’entrée de scène. C’est la tragédie de Médée, celle qui a tué ses enfants. C’est une grande épreuve de savoir à l’avance que l’histoire se termine mal. » Fadela M’Rabet assène une amère métaphore sur l’histoire de l’Algérie : « Celle de l’Algérie se présente comme une partition. À chacun de l’interpréter selon sa musique intérieure, comme une marche héroïque ou comme une marche funèbre. » Elle rappelle ce qu’a été la colonisation pour les Algériens, la lutte pour s’en libérer et la mort prématurée de l’Algérie démocratique tant désirée par ceux qui ont obtenu l’indépendance : « Pendant la colonisation, nous attendions la justice, pendant la guerre d 'Algérie, l’indépendance, après l'indépendance, la révolution, que nous attendons toujours. » Fadela M’Rabet pense que les Algériens ne profitent pas de l’instant présent et qu’ils sont continuellement en attente de quelque chose : un mari providentiel, un travail, un logement, un visa…, une sorte de vie provisoire. D’où le titre La salle d’attente.

Elle évoque sa famille à diverses reprises, principalement le souvenir de sa grand-mère Djedda, tatouée sur le front, mariée à quatorze ans, qui l'a mise au monde comme elle l'a fait pour une multitude d'enfants de Skikda, « la toute bleue, ville assise sur la Méditerranée » et qui lui a donné tant de force, dont celle de lutter à travers ses écrits.

« La salle d’attente », qui fait moins de cent pages, peut se lire d’un trait et prend la forme d’un récit argumentatif où l’auteure crie sa révolte. Le thème central est l’attente de la vraie vie. Fadéla M’Rabet ne mâche pas ses mots mais décrit avec une grande sensibilité les souvenirs de son propre vécu, notamment de l’histoire de l’Algérie où se mêlent l'imaginaire, le présent et le passé. Elle souligne que les peuples sont souvent trahis aux lendemains des changements de régime et se montre très sévère à l’endroit des gouvernants. Par ce témoignage lucide, elle dresse un tableau accablant, fait d’espérances trahies et d’attentes toujours déçues, tout en déclarant une flamme immense et passionnée pour son pays. Dans ce contexte, quel peut être l'avenir des femmes algériennes qui forment pourtant «la majorité de ceux qui maintiennent le pays debout » ?
Commenter  J’apprécie          180



Ont apprécié cette critique (12)voir plus




{* *}