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Critique de Ellane92


"Dans le village où je suis né, les rochers ont un nom" nous confie le narrateur de cette histoire. L'un de ces rochers, en forme de siège ou de trône, porte le nom d'un homme : Tanios. La légende dit que celui qui s'assoit dans ce siège disparait, et la coutume interdit aux enfants de l'escalader.
Intrigué par cette légende et cette coutume, le narrateur demande au vieux Gebrayel de relater l'histoire associée à ce rocher, pour démêler ce qui a trait à la réalité et ce qui n'est que fiction.
Au Liban, au milieu du 19ème siècle, les seigneurs ont droit absolu sur leurs villages et leurs habitants. le Cheick de Kfaryabda s'éprend de la belle Lamia. Il faut dire qu'elle était à nulle autre pareille :
" - Elle se parfumait au jasmin, comme la plupart des filles du village. Mais son jasmin ne ressemblait à aucun autre.
- Pourquoi cela ? demandai-je naïvement.
- Parce que ce jasmin-là sentait la peau de Lamia.
Gébrayel ne souriait pas. Il regardait ailleurs. "
Quand le fils de Lamia nait, contre toutes les coutumes, le Cheick, en lieu et place du père, lui donne le nom sous lequel il sera à présent connu : Tanios.

Prix Goncourt 1993, le rocher de Tanios évoque, à la façon d'un conte dans lequel se mêlent légende et réalité, une période trouble du Liban, dans lequel tournoient les Cheick locaux, qui s'affrontent entre eux, la montée en puissance des autres religions, des pays annexes, notamment l'Egypte de Mehemet Ali et ses soifs de conquêtes, et les puissances européennes. Au milieu de ces courants contraires, il y a un jeune homme aux cheveux blancs lui aussi en quête d'identité, d'amour, voire de haine, qui sert de catalyseur aux évènements rapportés : partout où ses pas le mènent, le changement arrive, les coutumes tombent, le pouvoir change de main, et l'histoire, celle du village ou celle de ses habitants, prend un autre tournant.

Qu'il est beau, ce texte d'Amin Maalouf : l'écriture est évocatrice, poétique, sensitive, et je me suis reprise à lire plusieurs fois un même paragraphe juste pour la beauté des sons, des images et des associations qu'il propose. Je me suis laissée portée en douceur par cette histoire belle et triste. J'ai été séduite par Lamia la belle, j'ai mis mes pas dans ceux de Tanios, et je garde de cette lecture la certitude qu'il y a un rocher, dans le village de Kfaryabda, qui porte le nom d'un homme. Et qu'importe si c'est une légende, c'est le vieux Gébrayel qui le dit : « Les faits sont périssables, crois-moi, seule la légende reste, comme l'âme après le corps, ou comme le parfum dans le sillage d'une femme »
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