Si Lew Archer était un simple détective privé, bien discipliné, acceptant toutes les missions du moment qu'elles sont bien payées, ce roman n'aurait pas eu sa raison d'être. le gérant du Channel Club lui demande de le débarrasser d'un mari gênant ? Cela pourrait être simple – si Lew contournait la loi. Cela pourrait être encore plus simple si le gérant disait tout ce qu'il sait à George Wall, le mari qui cherche désespérément sa femme, qui l'a quitté puis appelé parce qu'elle se sent en danger. George, cet homme aimant, stable, sérieux, donne envie à Lew de lui donner un coup de main, lui qui comprend très bien ce qu'il a pu ressentir auprès de sa femme – Lew ressentait la même chose auprès de la sienne, avant le divorce. Si George inspire la sympathie, il n'en est pas de même pour Hester, sa femme, changeante comme une girouette, vouant un culte au corps et aux apparences, cherchant avant tout l'argent et la célébrité – déjà. Un obscur et honnête journaliste ne pouvait lui convenir longtemps.
Lew Archer, comme souvent dans ses enquêtes, ne craint pas de prendre des risques, tout en essayant de protéger ceux qu'il estime – pas toujours facile, surtout quand ses « protégés » n'en font qu'à leur tête, au mépris de leur propre sécurité et de celle d'Archer. Pas facile d'enquêter quand les personnes qui en ont réellement envie sont rares. Bien sûr, le noeud du problème est bien différent de ce que l'on pouvait supposer, et, en cherchant, Lew trouve des faits que certains auraient bien voulu laisser dans l'ombre, pour leur tranquillité et surtout leur prospérité.
Comme souvent dans l'oeuvre de
Ross MacDonald, la famille et ses dysfonctionnements sont au coeur de l'intrigue. La mère d'Hester n'aime ses filles que pour la place qu'elles peuvent lui procurer dans la société, autant dire qu'une infirmière ne vaut pas grand chose à ses yeux. Isobel, milliardaire, n'a toujours pas réglé ses problèmes avec son défunt père et a reporté ses névroses sur son mari. Quant à Tony Torres, gardien du Channel club, sa fille Gabrielle a été assassinée deux ans plus tôt, et son neveu est un petit voyou de très bas étage.
« Plus j'en découvre sur l'esprit humain, moins j'en sais. » dit le docteur Frey. le lecteur pourra admirer, à la lecture de
la côte barbare, quel chemin tortueux il emprunte pour parvenir à ses fins. Lew est un de ceux qui parcourent le chemin à l'envers pour retrouver comment on en est arrivé là. Limiter les dégâts ? A ce stade, ceci est quasiment impossible. Une fois le livre refermé, il se dégage une sensation d'amertume devant tant de gâchis, le mince espoir provenant du fait qu'il existe encore des personnes lucides et incorruptibles comme Archer et, dans une moindre mesure, le docteur Frey.
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