Je me sentais comme un chat solitaire, un matou vieillissant rongé par une rage sombre, en quête de coups de griffes. Je coupai court à ces pensées et m'en débarrassai. Les rues nocturnes étaient mon territoire. Elles le seraient jusqu'à ce que je roule dans l'ultime caniveau.
L'incendie de ciel s'était éteint, laissant de longs lambeaux de nuages s'étirer sur la nuit comme des traînées de cendre pourpres. Je ne voyais des montagnes que leur silhouettes géantes soutenant la pénombre. Quelques lumières scintillaient sur leurs flancs, et les phares d'une voiture qui montait pouce par pouce vers un col le franchirent pour disparaître de l'autre côté de la vallée. Puis la nuit se fit calme au point de sembler exclure toute velléité de mouvement : nous étions des insectes pris dans l'ultime cristallisation d'une coulée d'ambre.
Les femmes s'aigrissent comme du lait caillé quand elles n'ont pas d'homme pour les guider.
— Vous vous faites du souci pour votre sale petite tête d’égoïste.
— Je n’en ai pas d’autre.
L'espace d'un moment, elle avait semblé être une femme. Plus encore, une sibylle sans âge parlant d'antique sagesse. Elle était redevenue une enfant, une enfant exténuée luttant pour expliquer l'inexplicable.
Un jour, dans une vallée ensoleillée, une petite ville qui avait touché le gros lot avait cessé de savoir quoi faire d'elle même.
— […] À propos, on m’a beaucoup parlé des Quinto Players.
— Ça alors, c’est vrai, monsieur Archer ? (Sa voix glissa dans le registre du murmure minaudant.) Vous ne seriez pas un peu d’Hollywood, des fois ?
— Pas exactement, répondis-je pour me laisser quelques issues de secours. J’ai pas mal travaillé à Hollywood et dans les environs.
À espionner des hôtels miteux, dénouer les liens sacrés du mariage, faire taire des maîtres chanteurs en les faisant chanter. Du lourd, du sale, du chaud, question travail, parfois.
La Californie réservait ses happys ends, comme ses plus belles oranges, à l'exportation.
Il y avait de la nuit dans sa voix, dans ses yeux, de la nuit accrochée dans ses cheveux comme des perles de brume.
Son histoire était de ces histoires sans héros ni méchants. Personne à admirer, personne à blâmer. Tout le monde s'était fait du mal à soi, tout le monde en avait fait aux autres.Tout le monde avait échoué. Tout le monde avait souffert