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Critique de sylviedoc


J'ai longuement hésité à lire ce témoignage, ayant du mal avec le sujet (viol et inceste), la dernière fois que j'avais tenté une lecture sur ce thème j'avais abandonné en cours de route. Il s'agissait de "La proie" de Martine Ayotte, sur lequel j'avais quand même écrit un billet, surtout pour éviter sa lecture aux âmes sensibles tellement j'avais été choquée par les descriptions atroces et répétées des sévices subis par l'auteure. Je m'interrogeais sur l'utilité pour une victime de lire ce livre au risque d'être encore plus traumatisée.
Toni Maguire, même si elle a subi elle aussi ces horreurs, en parle avec beaucoup plus de pudeur, et à mon sens, elle a su exprimer toute la complexité des sentiments qui assaillent la victime de tels actes : pourquoi me fait-il cela, pourquoi ma mère m'en veut-elle au lieu de me défendre, pourquoi est-ce moi la coupable aux yeux du monde, dois-je pardonner, et à qui ?
Au chevet de sa mère mourante, toutes ces questions et ces doutes enfouis par Toni pour réussir à poursuivre sa vie vont soudain resurgir par la voix d'Antoinette, la fillette qu'elle était dans les années 50 en Irlande du Nord et en Angleterre. Antoinette veut des réponses, à défaut d'excuses qui ne viendront jamais. Les souvenirs déferlent, et Toni ne peut les contenir, c'est cet exutoire qui la conduira à écrire ce témoignage sur son calvaire.
La père abusif sera finalement condamné après avoir "malencontreusement" mis sa fille enceinte à l'âge de 14 ans, grossesse à laquelle sera mis fin par un avortement tardif qui manquera de lui coûter la vie...et la condamnera elle aussi, à ne pas avoir d'enfants par la suite.
Le récit prend place dans les années 50-60, et à cette époque il était encore plus difficile pour une victime d'inceste (ou de toute violence sexuelle d'ailleurs) de s'exprimer. En général, les proches "savaient", mais on préférait garder le couvercle bien fermé, surtout quand les faits se produisaient dans des familles de notables, où un scandale de ce type était inimaginable, on se disait que ça passerait, que la victime oublierait, ou que ma foi, si ça lui arrivait elle devait aussi y être pour quelque chose n'est-ce pas ? Et les mères ? Certaines, comme celle d'Antoinette, préféraient se raccrocher à l'image de l'homme dont elles étaient tombées amoureuses et ne pas admettre qu'il pouvait se livrer à de tels actes, donc même si les victimes parlaient, on niait leur parole, allant jusqu'à les forcer à se rétracter. D'autres se taisaient par peur de violences sur elles-mêmes, ou pour que le mari n'aille pas en prison, faisant perdre un revenu. Mais quelles que soient les raisons de leur silence, maintenant ou à l'époque, il n'est pas excusable à mes yeux : une mère a le devoir de défendre son enfant, et la société a le devoir d'écouter les victimes et de punir ou tout au moins éloigner et soigner leurs bourreaux.
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