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Critique de Krout


A un chouïa près je me retrouve dans la ruelle des morts plutôt qu'au Hofburg.^^ C'est le destin ! Ô rage, ô désespoir ! Je m'appesantis sur ce point pour éviter toute confusion à la lecture du titre et un peu vous éclairer car la nuit c'est souvent utile. Destin tragique, confusion malheureuse, tout hélas est là dans ce monument qu'est Vienne la nuit. Et cette famille écartelée par la misère dont tous les membres sont las, comment ne pas s'attacher à chacun ? Comment ne pas être profondément marqué, imprimé par les différents sentiments que fait jaillir tour à tour Naguib Mahfouz. Soudain, l'espoir ! Ténu, fragile, éphémère, sitôt suivi de son cortège de déceptions, difficultés, privations. Et la faim, la faim surtout, et demain, demain... et que sera demain ?

petit aparté-----------------------------------------------------------------------
C'est la critique de Sachenka du 27 juillet sur l' Impasse des deux palais qui m'a poussé vers Naguib Mahfouz, premier égyptien prix Nobel de littérature. Mais ce livre est beaucoup trop gros pour moi qui lit lentement, à chacun ses vicissitudes, et de plus c'est le premier d'un triptyque. Un petit clic sur Naguib Mahfouz à la recherche d'un livre plus court et je reconnais une couverture, chance : il est disponible à la bibliothèque. Eh bien, au sortir de la triste histoire des frères Grossbart qui voulaient aller en Gypte dépouiller les tombes, me voilà dans les petites ruelles du Caire vers 1930. Mais alors que cette lecture-là m'apparût essentiellement jubilatoire, celle-ci est infiniment plus triste : plus ancrée dans le réel avec sa peinture sociale du quotidien, son cortège de personnages secondaires, les petits boutiques, les gestes de tous les jours et au détour d'une ruelle, une touche de couleur, une senteur, un cri ...
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Ce pays aux antiques pyramides a su, dans une grande civilisation, peut-être la plus grande, accorder toute son importance à la mort considérée comme le sommet de la vie, un passage vers l'éternité. Mais après des millénaires d'une richesse inégalée, l'Egypte gît depuis des siècles aux pieds de sa splendeur passée. Et la mort au siècle dernier n'y est que calamité : ainsi à la dépouille du père s'ajoute le dépouillement de toute la famille, dans un pays ballotté entre tradition et modernité, une famille sombre dans la précarité... et demain... et que sera demain ?

La magie de Naguib Mahfouz c'est de m'avoir fait entrer tour à tour et tout à la fois dans la tête d'Hassan, d'Hussein, d'Hassanein, de leur soeur Nafissa et même de leur mère. Dans leur coeur aussi, me faisant passer par tous leurs états d'âme. Et le récit aidant je me suis attaché à chacun, aimant chaque qualité, acceptant chaque faiblesse ; qui serais-je pour parler de défaut, moi qui n'ai jamais eu faim ? La faim qui tiraille les estomacs autant qu'elle attise l'égoïsme ou fermente le don de soi, la misère qui ronge les meubles d'abord, les corps ensuite, les coeurs enfin.

Énormément de thèmes sont abordés par autant de petites touches, comme éclairés par des rayons épars du soleil perçants ci et là l'obscurité de ces sombres ruelles, dont la place dévolue à chacun - notamment celle des femmes, mais aussi le rôle des hommes, les attentes du clan - dans un microcosme (la famille, le quartier, l'entourage) tout encore imprégné de longues traditions. Cependant le questionnement central est celui du déterminisme et particulièrement du déterminisme social et l'auteur semble vouloir indiquer sa réponse par une fin qui m'étreint.

Que peut l'Homme face à son destin ? Tragique, poignant, intemporel, universel, à n'en pas douter Naguib Maguib est un grand écrivain et était un grand homme. Vienne la nuit, j'en comprends seulement pleinement le titre en le refermant et j'en suis bouleversé.

NB. Je vous conseille vivement la lecture de la critique d'Ambages qui à mon avis tout comme ce livre mérite une bien plus grande audience, elle vous donnera un ressenti féminin et je l'espère saura achever de vous charmer.
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