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Critique de Eve-Yeshe


Le narrateur reçoit un texte « le grand Déplacement » dont le propos est très choquant sur l'avenir de la société. Il ne sait pas trop quoi en faire, le publier ou non, alors il va en parler à un ami. Ce texte, écrit par Vivien de Lynden, lui a été proposé par la mère du jeune homme, Gaïa et une relation va s'établir entre eux pour tenter de comprendre l'évolution du jeune homme et ce qui a déclenché cette vision si sombre de la vie.

Peu à peu, on apprend des choses sur Vivien, sur son père, mais aussi sur Gaïa la bien-nommée, la Terre-mère, qui a passé sa vie dans les associations humanitaires qui veulent sauver le monde, les enfants, les migrants, notamment en Afrique et qui s'est laissée maltraiter psychologiquement et sexuellement par des amants africains au nom de la revanche contre la colonisation ! Gaïa, qui a perdu toutes ses illusions, est vraiment un personnage qui m'a énormément touchée.

Ce roman est très habile, même si les thèmes peuvent heurter car nous avons un récit dans le récit, à la manière des Matriochkas. le brûlot de Vivien, vision cauchemardesque d'une société future, où règne le racisme, l'intolérance, où les attentats intégristes ont tout détruit ou presque et qui se solde par un charter vers la Libye pour tous ceux qui ont participé à la catastrophe (Sarkozy, Hollande, les journalistes, les intellos qui pourront ainsi reconstruire le pays.

Le ton employé dans « le Grand Déplacement, m'a fait penser, mais cela n'engage que moi, à celui de Michel Houellebecq dans « Soumission », dans son outrance, son antisémitisme, et la manière dont il évoque le déclin de l'Occident, de la « race blanche »…

On rencontre d'autres personnages pour étayer la théorie, par exemple Onassis et son crédo : « Certains veulent quelque chose de tout. D'autres, tout de quelque chose. Moi, je veux tout de tout ».

L'exposition de la théorie de Gabriel Osmonde sur les deux naissances, animale et sociale, qui dépassées ouvrent sur la troisième, qu'il appelle l'alter naissance est très intéressante. Une autre vie est-elle possible, comme alternance à la société de consommation ? quand on est revenu de tout ? une île déserte ? la fuite dans le suicide comme Vivien ?

En alternance, nous avons un tête-à-tête, du moins des échanges entre le narrateur qui a reçu le brûlot et Gabriel Osmonde, un écrivain défenseur des « Diggers » qui est un avatar de Andreï Makine (un des pseudos de l'auteur !).

« le nom d'un des Diggers, rencontré en Australie, me vient à l'esprit : dans ses livres, il avait autrefois chroniqué leur étonnante et tragique aventure. C'est Gabriel Osmonde qui s'occupait des publications de leur mouvement. »

On découvre aussi, autre histoire dans l'histoire, la relation que Vivien entretenait, lui-même, avec Gabriel Osmonde, qui était en quelque sorte son « maître à penser ».

Cet exercice de style m'a beaucoup plu, même si le roman n'est pas simple à lire, du moins sur liseuse, car la police du texte varie énormément selon qu'il s'agisse du brûlot, du roman ou encore des extraits d'Osmonde… mais tout se mérite !

Le choix du titre « Au-delà des frontières » est une invitation au voyage autant qu'à la réflexion sur l'alternaissance, ou sur la possibilité d'une autre vie.

J'ai eu beaucoup de mal à rédiger cette critique, car il fallait lire et surtout digérer cette lecture, sans se laisser emporter par l'émotion. Andreï Makine est sans complaisance vis-à-vis de la société actuelle et va loin dans sa réflexion et, encore une fois, il a su m'entraîner dans son univers.

J'ai beaucoup aimé « le testament français », « L'archipel d'une autre vie » donc je vais continuer à lire son oeuvre avec enthousiasme.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m'ont permis de lire ce roman !
#AudelàdesFrontières #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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