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Critique de Merik


Quand Vardan débarque sur les bords de l'Iénisseï à l'école fréquentée par le narrateur, il ne se doute sûrement pas que ses yeux « au dessin trop beau pour un garçon » et sa « complexion malingre » sujet à la « maladie arménienne » lui vaudront le déchaînement de haine des petits mâles locaux, le jugeant par dessus tout « pas normal ». Il faut dire que l'idéal en Sibérie, c'est celui du « projet messianique d'homme nouveau » de la fin des années 60, « une belle créature musclée, radieuse, ne doutant de rien ». Il y en a tout de même un, le narrateur, prompt à le prendre en défense du haut de ses 13 ans intrépides, grâce au fouet de sa ceinture renforcée aussi. L'occasion pour lui de découvrir le quartier du « Bout du Diable » et de s'immerger dans la communauté s'y étant réfugié, à l'ombre d'une prison en surplomb des esprits, dont les arméniens se sont rapprochés dans l'attente pour leurs parents enfermés là d'un jugement, le plus souvent synonyme de Goulag.
C'est dans le récit nostalgique de cette amitié et de la découverte de ce petit monde arménien que nous embarque le narrateur quelques décennies après. Les personnages y sont cabossés, pimentés. du professeur de géométrie à Sarven avec son banc et son cadran solaire, en passant par Chamiram la maman de Varan aux photos mystérieuses, ou même la soeur dont le narrateur est secrètement amoureux, ils nous entraînent dans des situations épiques dessinant un « Royaume d'Arménie » en souffrance, où se développe un noyau de tendresse et d'entraide. Makine excelle à nous le faire ressentir, dans une prose cristalline, limpide et ciselée, qui saisit le glacial tout en nous réchauffant le coeur.
Mais par dessus tout, ça semble bien être le lien entre Vardan et le narrateur le véritable moteur du livre. Des précédents romans d'Andreï Makine, on se souvient de la double poursuite enchâssée dans la taïga de « L'archipel d'une autre vie », de la mise en abyme d' « Au-delà des frontières », mais aussi du propre double de l'auteur sous le pseudo de Gabriel Osmonde. Un auteur qui semble explorer de nouveau la notion de double, cette fois-ci sous la forme initiatique d'un alter ego transcendant, agissant comme un catalyseur : « Je me sentais, désormais, non pas davantage instruit mais étonnamment attentif à cette mystérieuse possibilité de m'écarter de ce que tout le monde prenait pour la seule et unique voie admise. Oui, la possibilité de m'en décaler - et de « sortir du cercle dessiné sur l'asphalte ». Quitte à être traité de « pas normal »
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