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Critique de HordeDuContrevent


Voilà un tout petit livre (90 pages) étonnant. Un entrelacement de voix, celle de Yorgos et celle d'Eugénia. Variation sur un même thème : celui de la prostitution.

Le premier, marin, fut un gros « consommateur » de prostituées ; C'est un homme bien peu avenant, de prime abord, sans une once de sensibilité. La deuxième, une prostituée pendant plus de vingt ans.
Tour à tour chacun prend la parole, témoignage intime, notamment sur leurs vécus quant à la prostitution. Ce livre, tout comme le précédent roman de Yannis Makridakis, « Au fond de la poche droite » (2018), met en lumière les similarités insoupçonnées entre les vies d'un marin et d'une prostituée.

L'alternance des prises de parole est intéressante. La langue est rude, crue, parfois vulgaire, voire raciste. Les goujateries du marin qui laissent à penser que le sort des prostituées est terrible sont à nuancer à l'aune du témoignage d'Eugénia, femme profondément libre et féministe, un caractère fort et volontaire.

Leur témoignage fait surtout le focus sur les années 60 et 70, décennies durant lesquelles les ports du monde entier accueillaient à bras ouverts les marins aux devises abondantes, dont le jeune Yorgos. Tels des rois. Virées nocturnes, alcool et plaisirs charnels étaient consommés à l'excès, la traversée d'après permettant pour eux de cuver. Eugénia, elle, touche une pension suite au décès de son père. Elle a toujours refusé de se marier, farouchement, car alors sa pension serait suspendue. Elle veut s'affranchir de toute dépendance à qui que ce soit et préfère vendre son corps. Pour sa liberté.

Ce livre, pourtant très court, traite, avec moult détails, de la prostitution des deux points de vue : organisation du métier, contrôle de l'hygiène des "filles" au sein des bordels, difficultés liées aux demandes des clients, à l'attachement de certains d'entre eux, à la sécurité ; mais aussi « valeur » d'une prostituée, cette femme-marchandise, peur des maladies… il fait apparaître une humanité complexe au mystère inassouvi.

Si j'ai eu forcément du mal avec les propos de Yorgos, notamment lorsqu'il évoque la géographie de la prostitution, à savoir la valeur des prostituées suivant le pays (son point de vue sur les prostituées d'Inde ou d'Afrique est révoltant) ou lorsqu'il se comporte de façon odieuse, mon regard fut moins dur à la fin du livre. J'ai aimé par ailleurs le personnage d'Eugénia.

N'est pas la victime celle que nous croyons. le bonheur n'est pas là où on l'attend. Tel est le message de ce livre. Si les deux personnes finissent seule dans leur vieillesse, c'est un choix de sa part à elle et une liberté conquise à jamais, une totale déchéance pour lui. Les deux personnages sont finalement touchants et le jugement à l'emporte-pièce, les préjugés, doivent être dépassés.

Une lecture riche et intéressante malgré ce tout petit format. Un beau livre qui plus est, avec en couverture une oeuvre de Laurence David, un bleu rouillé de toute beauté.
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