Au fond de la poche droite

Un récit singulier, très bien traduit du grec, et qui baigne dans une atmosphère étrange. Vikentios, entré au monastère tout jeune par vocation, s'est finalement retrouvé tout seul, ayant enterré les uns après les autres tous les autres moines. Markos, du bateau postal, a eu l'idée un jour de lui amener une petite chienne, Sissi.
Vikentios, très seul dans ce monastère situé dans une petite île, se réjouit de cette compagnie fidèle, moins indifférente que celle de son chat. Mais Sissi meurt en lui laissant trois petits. Vikentios, accablé, va alors essayer de sauver au moins un petit chien et retrouver goût à la vie.
Il va aussi faire plusieurs rencontres ...
Un récit original, un peu contemplatif, empreint de poésie, de douceur et de mysticisme, à découvrir par curiosité

Si vous aimez parcourir les îles grecques, pour autre chose que vous dorer sur les plages, alors ce petit livre vous rappellera des paysages, des sensations, une végétation.
Un petit monastère, comme il en existe tant, n'est plus desservi que par un unique moine qui souffre de la solitude. Il doit pourvoir à tout: nourrir les poules, le chat, ouvrir l'église, y allumer les lampes, réciter les prières, accueillir les pèlerins, procéder aux bénédictions, voire aux guérisons. Sa seule compagnie est une jeune chienne qui meurt en mettant au monde trois jeunes chiots. Au même moment, l'Archevêque de l' Église De Grèce meurt lui aussi. La narration joue sur ce parallélisme de deux formes si éloignées de mort et de succession. Mais c'est surtout l'histoire simple d'un coeur simple vivant le vie rude des moines dans l'hiver des îles. En même temps, le livre est une belle évocation des îles de l'Égée et de leur nature.

Pour qui connaît la Grèce  ce petit livre de 141 pages nous plonge dans la vie d'un monastère orthodoxe à flanc de montagne, en plein hiver, sur une île (sans doute Chios d'où est orginaire aussi l'auteur Yannis Makridakis) en face des côtes turques.
Vikentios est désormais le seul moine à y habiter (depuis 23 ans) ses autres frères étant morts les uns  après les autres. Il a 40 ans, est fatigué, en plein désarroi et souffre d'une terrible solitude comme il le dit à des étrangers de passage sans pour autant regretter son choix d'entrer dans la vie monastique.

" Il avait perdu la notion du temps. Non pas de son cours, celui que mesurait pour lui le calendrier des saints. C'est son sens même qu'il avait perdu. A présent aucune usure, sauf la sienne, ne limitait plus ses journées, et il n'en était pas conscient." ( p. 13).


"Je tire la plus grande joie de mon service de moine, dit-il peu après. Je n ai jamais eu de regrets dans ma vie, je crois en ce que je fais mais la solitude me pèse. Parce que je ne m'attendais pas à rester seul. le soir, je suis tout seul. Je n'entends aucune respiration, je ne sens aucune présence humaine, j'ai peur." (p. 99)

Le lien qui se crée entre Vikentios et la chienne Sissi que lui offre un villageois change sa vie et la mort de Sissi, en mettant bas, est un vrai déchirement pour lui. le parallélisme que fait l'auteur entre la mort de l archevêque d'Athènes et primat de l'Eglise de Grèce et celui de la chienne SIssi structure le récit et nous donne à réfléchir sur le sens de la vie.

Mais l'objet du livre n'est pas uniquement de nous raconter la vie de Vikentios. Dans une écriture tout en sensibilité et en retenue, ce sont les thèmes de la solitude, du rapport au temps qui passe et à la mort, à la nature (décrite ici dans sa beauté sauvage et sa dureté) et du lien aux animaux qui sont au coeur de ce très beau petit livre. Grâce au soin qu'il apporte à faire vivre l'un des bébés chiots de Sissi, Vikentios s'ouvre progressivement aux autres et à la vie.

Avec cette lecture, j'ai par là même découvert un nouvel auteur dont je vais m'empresser de lire d'autres livres.

A titre intrigant, personnage surprenant, hors temporalité. j'ai apprécié la lenteur et le caractère cyclique des micros événements qui se déroulent dans cet espace isolé du monde. Au quotidien, s'ajoute un regard sensible sur la nature. le contact affectueux du personnage avec ses petits chiots peut sembler un substitut venant combler sa frustration, mais ce n'est pas que cela.
l'absence de bondieuserie dans un récit consacré à la vie isolée de ce moine est appréciable: ses valeurs contrastent avec celles de l'église à laquelle il appartient où les arrivistes rivalisent....

C'est une très belle histoire qui nous est offerte à lire dans ce court roman. Un moine, vivant seul dans son monastère sur une île grecque, verra son existence suspendue à la survie d'une portée de chiots. Pendant ce temps, en toile de fond, tout le pays attend avec ferveur de connaître le successeur de l'archevêque de l'église De Grèce.

Entre moments contemplatifs et vibrantes émotions, j'ai passé un moment fort en compagnie du moine Vikentios malgré quelques "brèves longueurs".