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Clara Villain (Traducteur)
EAN : 9782366245684
120 pages
Cambourakis (07/04/2021)
3.38/5   12 notes
Résumé :
Les voix d’une femme et d’un homme : Evgenia, ancienne prostituée, et Yorgos, ancien marin, font à tour de rôle le récit de leur vie pendant la deuxième moitié du xxe siècle. Tandis que l’un débarquait aux ports et aux bordels de tous les pays, du Japon au Brésil, Evgenia se vendait à Chania, en Crète. S’ils évoluaient en apparence dans deux mondes parallèles, leurs récits s’imbriquent comme les deux versants d’une même histoire. Ballottés au cours des années par de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Voilà un tout petit livre (90 pages) étonnant. Un entrelacement de voix, celle de Yorgos et celle d'Eugénia. Variation sur un même thème : celui de la prostitution.

Le premier, marin, fut un gros « consommateur » de prostituées ; C'est un homme bien peu avenant, de prime abord, sans une once de sensibilité. La deuxième, une prostituée pendant plus de vingt ans.
Tour à tour chacun prend la parole, témoignage intime, notamment sur leurs vécus quant à la prostitution. Ce livre, tout comme le précédent roman de Yannis Makridakis, « Au fond de la poche droite » (2018), met en lumière les similarités insoupçonnées entre les vies d'un marin et d'une prostituée.

L'alternance des prises de parole est intéressante. La langue est rude, crue, parfois vulgaire, voire raciste. Les goujateries du marin qui laissent à penser que le sort des prostituées est terrible sont à nuancer à l'aune du témoignage d'Eugénia, femme profondément libre et féministe, un caractère fort et volontaire.

Leur témoignage fait surtout le focus sur les années 60 et 70, décennies durant lesquelles les ports du monde entier accueillaient à bras ouverts les marins aux devises abondantes, dont le jeune Yorgos. Tels des rois. Virées nocturnes, alcool et plaisirs charnels étaient consommés à l'excès, la traversée d'après permettant pour eux de cuver. Eugénia, elle, touche une pension suite au décès de son père. Elle a toujours refusé de se marier, farouchement, car alors sa pension serait suspendue. Elle veut s'affranchir de toute dépendance à qui que ce soit et préfère vendre son corps. Pour sa liberté.

Ce livre, pourtant très court, traite, avec moult détails, de la prostitution des deux points de vue : organisation du métier, contrôle de l'hygiène des "filles" au sein des bordels, difficultés liées aux demandes des clients, à l'attachement de certains d'entre eux, à la sécurité ; mais aussi « valeur » d'une prostituée, cette femme-marchandise, peur des maladies… il fait apparaître une humanité complexe au mystère inassouvi.

Si j'ai eu forcément du mal avec les propos de Yorgos, notamment lorsqu'il évoque la géographie de la prostitution, à savoir la valeur des prostituées suivant le pays (son point de vue sur les prostituées d'Inde ou d'Afrique est révoltant) ou lorsqu'il se comporte de façon odieuse, mon regard fut moins dur à la fin du livre. J'ai aimé par ailleurs le personnage d'Eugénia.

N'est pas la victime celle que nous croyons. le bonheur n'est pas là où on l'attend. Tel est le message de ce livre. Si les deux personnes finissent seule dans leur vieillesse, c'est un choix de sa part à elle et une liberté conquise à jamais, une totale déchéance pour lui. Les deux personnages sont finalement touchants et le jugement à l'emporte-pièce, les préjugés, doivent être dépassés.

Une lecture riche et intéressante malgré ce tout petit format. Un beau livre qui plus est, avec en couverture une oeuvre de Laurence David, un bleu rouillé de toute beauté.
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L'une offre son corps aux hommes tandis que l'autre use de celui des femmes. Dans La Première veine, Yannis Makridakis – traduit par Clara Villain – dresse un joli portrait croisé d'Evgenia et de Yorgos, deux Grecs du siècle dernier aux destins différents et pourtant liés.

Côté pile, poursuivant la longue tradition de la marine grecque, Yorgos sillonne le monde et les mers à bord de différents bâtiments au fil de ses missions. Une forme de fuite en avant qui ne trouve de finalité que dans les virées alcoolisées dans tous les bordels de ports militaires, avec une préférence pour ceux de l'Asie en général et du Japon en particulier. Récits de bordées déracinées…

Côté face, depuis la Crète, Evgenia accueille le monde entre ses jambes, pour quelques minutes ou un peu plus, mais surtout pour les drachmes qu'elle va s'empresser de flamber n'ayant d'autre horizon que le lendemain puisqu'aucun enfant ne veut lui être donné. Ses clients s'affairent pendant qu'elle s'évade à sa façon. Récits de voyages immobiles…

Deux tranches de vies, sans aucun lien, encore que… Écrit comme un exercice de style à la façon d'un chant ancien à deux voix, La Première veine ne manque pas de charme, évoquant les thèmes classiques du monde, du voyage, de l'amour et du destin ; de cette quête infinie du port d'attache où s'établir, mettre pied à terre de son bateau ou de son lit, poser son sac…

Une jolie découverte que j'aurais aimé plus longue, mais dont j'ai également aimé la grande qualité du travail éditorial, classique chez Cambourakis, mais toujours apprécié !
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Ce bref roman fut écrit en 2011, ici il est traduit du grec par Clara VILLAIN. Deux narrateurs se succèdent, un homme et une femme, elle en italiques, durant la même période, les années 1960. Lui est marin, son père est mort noyé en 1945, il a découvert la mer à 17 ans, en 1961. Elle on l'appelle Sissi, sa mère est morte en couches puis son père fut tué par les communistes en 1944 en pleine guerre mondiale. Elle fut élevée par sa tante.

Ce texte est pour le moins brutal dans les descriptions et les anecdotes : « À l'époque, ici on parle de 1961, les filles des villages, ils les descendaient toutes dans les ports et leurs pères les vendaient dans les bars ». Ainsi le narrateur rencontre des prostituées à chaque escale, dans chaque bar portuaire, certaines s'accrochent à lui par espoir d'une vie meilleure. le narrateur, souvent en mer, découvre de nombreux pays pour lesquels il rapporte des souvenirs peu glorieux, plus rarement majestueux mais jamais gratuits. Ainsi au Pérou « Il a dit, capitaine, on stoppe les machines pour laisser passer les oiseaux. Les mouettes. Des milliers et des milliers d'oiseaux, un nuage ; on a arrêté le bateau et ils sont passés devant nous. Des millions ; le ciel avait disparu. Ça a duré dix minutes. Et là, le pilote nous a expliqué que pour le gouvernement, ça rapportait gros, les oiseaux. Ils allaient au large du port de Callao, sur des petites îles, et là-bas il y avait des prisonniers qui balayaient les fientes, tous les jours, ils les rassemblaient et les chargeaient sur des bateaux, ça partait en Europe, pour servir d'engrais ».

Cependant, le roman n'est pas à proprement parler un texte politique, même si bien sûr quelques évocations viennent l'approfondir. La narratrice est une ancienne prostituée qui a raccroché, elle s'était accommodée de son métier, recevant même des religieux, tout en refusant systématiquement toutes sortes de vices. Souvent fiancée, elle a toujours refusé le mariage, nous saurons pourquoi à la fin, alors que le narrateur est un homme marié. Sissi a vu dans sa carrière de nombreux pères amenant leur propre fils afin qu'ils se fassent dépuceler.

Les narrateurs ont vécu leur existence de manière pas toujours morale. Bien sûr, ils existe un lien entre eux, mais pas du tout comme l'on pourrait s'y attendre. Ceci aussi, nous l'apprendrons en fin de roman. Ils sont comme en train de se confier en direct à leur lectorat, le prenant à témoin, le tutoyant, lui le marin dans un tour du monde effréné des bordels, elle dans une vie de pute courageuse, honnête et anarchiste, tous deux dans un environnement sans foi ni loi.

Autre chose relie les deux protagonistes : lui a navigué partout dans le monde, connu de nombreux pays, elle se les est imaginés en pensée tandis qu'elle se faisait besogner. le langage de ce roman est particulièrement cru et tout en oralité. Il montre que dans une vie tout est possible, même le plus indicible, comme pour expliquer que dans un pays à feu et à sang (en 1960, la Grèce est entre deux dictatures et le pays est instable et devient une vraie poudrière) la vie est à l'avenant. C'est à coup sûr sa force : raconter presque naturellement des horreurs du quotidien, les abus des hommes, la soumission de la femme, la condition des prostituées. La fin est réservée à la vie actuelle des deux narrateurs.

Ce roman de moins de 100 pages, paru en 2021 dans la magistrale collection grecque de chez Cambourakis, sent la pisse, la bière éventée, l'amour en berne, l'aspect vulgaire de la vie. Il peut être rangé aux côtés du roman de 1954 « le quart » de Nikos KAVVADIAS pour le témoignage du narrateur marin. Quant au tout, il n'est pas sans rappeler dans son atmosphère puante de foutre le « Toi au moins, tu es mort avant » de Chrònis MÌSSIOS. Un exercice stylistique qui peut déranger mais qui colle parfaitement à l'univers général du roman.

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Καλημέρα booksta ! S'il y a bien un endroit où l'on peut voyager en ce moment, c'est dans la littérature ! Après Haïti, direction la Crète avec la Première veine de Yannis Makridakis.
Dans les veines de Yorgos c'est du sang marin qui coule, dans les miennes, en partie, du sang grec et pourtant je ne m'y connais absolument pas dans cette littérature 😆. La Première Veine m'a donc permis de faire un petit pas dans l'univers grec, avec un auteur contemporain qui réinterprète, ici, les codes du roman maritime.

Dans ce court récit, vous serez bercés par les témoignages de Yorgos et d'Evgenia. Deux voix qui s'entremêlent, dans une narration à la première personne. Les évènements se déroulent principalement dans les années 60, une période de grande instabilité politique pour la Grèce, avec notamment la dictature des colonels en fin de décennie.

Yorgos est un ancien marin né en 1944. Il nous fait voyager dans les ports et les bordels du Japon jusqu'au Brésil en passant par l'Afrique et le Canada. Depuis ses dix-sept ans il est en mer et comme vous pouvez vous en doutez, il en a connu des femmes le Yorgos, mais attention, ne faites pas comme moi, ne le jugez pas si rapidement. « Pas de marin sans putain »Oui, son histoire tourne principalement autour de ses galipettes en tout genre, mais c'est un homme qui m'aura finalement touchée ( j'ai été bien trop sévère avec lui pendant ma lecture). En quête d'un idéal et de liberté, sa dernière phrase fait chavirer à elle seule tout son témoignage.

Evgenia, quant à elle, est né en 1942. Tour à tour vendeuse, chanteuse puis prostituée, elle revendiquera toujours sa liberté et son indépendance. Refusant de se marier, elle proposera ses services à Chania, en Crète. « Moi je voyageais en Afrique, je voyageais en Australie. L'amour, c'est pas que charnel, c'est aussi spirituel. ». Une profession qui ne l'empêchera pas de tomber amoureuse plusieurs fois, tout en arrêtant ou non de travailler.

Deux témoignages évoluant en parallèle qui finiront par s'imbriquer de manière subtile et inattendue. Ce roman est une réponse à une autre oeuvre, le Quart, de Nikos Kavvadias que je suis maintenant curieuse de découvrir !

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Pensez-vous qu'il soit possible de prendre la mesure d'une vie en 90 pages ? Pas facile… Et de deux vies alors ?
C'est ce que parvient à faire le grec Yannis Makridakis dans ce court roman qui alterne deux témoignages, celui d'un marin et celui d'une prostituée.
Evgenia et Yorgos.

Avec une double narration recourant à un je oral, le texte entre en profondeur dans ces deux destins. Pourtant, bien que se faisant face, ils ont beaucoup plus en commun qu'il n'y paraît. le lien matériel entre Evgenia et Yorgos restera ténu et j'ai adoré cette subtilité puisque l'essentiel n'est pas là. L'essentiel est dans l'exploration des sentiments humains et ils sont surprenants !

Nous sommes dans les années 60 et les ports du monde entier accueillent avec fierté les marins qui accostent après de longs voyages. Yorgos, à la conquête du monde, toujours entouré, nourri et blanchi par la compagnie maritime est attendu comme un roi dans chaque port. L'alcool et les plaisirs charnels sont omniprésents. La traversée suivante permettra de cuver.
Evgenia touche une pension à la suite au décès de son père, victime de guerre. Se marier, c'est y renoncer et il n'en est pas question. Evgenia se veut affranchie et préfère vendre son corps que sa liberté.
Gageons que présenté comme cela…. Nous avons bien une idée de leurs devenirs.

J'ai beaucoup aimé cette lecture. Constater que les cases de leurs destins ne sont pas si hermétiques, que le bonheur ne les attend pas forcément là où on l'imaginait. J'ai trouvé ce texte crédible, subtil et les deux protagonistes touchants. Il faut aller au-delà des apparences et accepter que les préjugés ne soient que ce qu'ils sont, des jugements de valeurs préconçus.
Une lecture intéressante pour un si court format.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Il se ne passerait rien d'anormal, rien qui ne soit pas naturel. Naturel selon moi, bien sûr. Parce que ce n'était pas forcément la même chose, ce qu'untel ou unetelle trouvait naturel. Pour certaines, en amour, tout était permis. Pour d'autres non. Moi si tu veux, j'étais de la vieille école. C'est avec le crâne fendu en deux comme une pastèque ou en boitant qu'il serait repartir de la maison le type, s'il avait entrepris quoi que ce soit d'autre.
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En fait, la vie c’est comme une grande table sur laquelle il y a de tout. Si tu ne goûtes pas à tout, tu meurs affamée, pas rassasiée. Et donc, moi, je suis rassasiée et même largement rassasiée.
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Il y en a eu un autre qui me pourchassait pour me tuer, pendant un temps. Parce qu'on s'était fiancés mais après je lui ai dit que je ne me marierais pas. Il était de Volos et il allait quitter l'armée. Et il m'a dit, tu sais, maintenant que j'ai fini l'armée, on va aller chez ma mère à Volos, on va se marier, moi je suis marin, je voyage. Toi, tu ne sortiras pas de la maison, ma mère ira faire les courses, toi tu ne bougeras pas de la maison. Je lui ai dit, mais mon garçon, tu prends tes rêves pour des réalités. Que je me retrouve, moi, avec ta mère comme gardienne ? Même ma propre mère, je ne l'ai pas eue sur le dos et tu veux que je me fasse surveiller par la tienne ? Il était prêt à me tuer ; il est allé à la police et il leur a dit, dites-lui de m'épouser parce que sinon je vais la tuer, ils l'ont bouclé, ils l'ont emmené à l'hôpital de la base navale.
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Video de Yannis Makridakis (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Yannis Makridakis
Au programme cette semaine :  Frakas, Thomas Cantaloube, Gallimard (https://www.librest.com/livres/frakas-thomas-cantaloube_0-7157292_9782072886164.html?ctx=9c516f4f132ac60f9a2b34042fcb7971) - Un voisin trop discret, Iain Levison, Liana Levi () - La première veine, Yannis Makridakis, Cambourakis (https://www.librest.com/livres/la-premiere-veine-yannis-makridakis_0-7145216_9782366245684.html) Merci à Georges-Marc de L'Atelier et directeur de lalibrairie.com (https://www.lalibrairie.com/).
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