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Critique de JIEMDE


« Il continuait de penser qu'il méritait une meilleure destinée, et que le sort tournerait en sa faveur si seulement, pour une fois, il faisait le bon choix ».

New-York ; un épicier juif émigré de Russie avec sa famille ; une petite affaire qui sombre et qu'une agression n'arrange pas ; un braqueur un peu piteux qui tente de se racheter en se mettant au service de l'épicier ; et un goy qui tombe progressivement amoureux de la fille du patron.

Une vie familiale simple et banale, au coeur de ce petit quartier de Brooklyn dont l'épicerie fut longtemps le point de passage obligé ; un temps qui se ralentit au rythme des clients qui ne passent plus et un monde qui bascule pour Morris, l'épicier dont les repères vacillent.

Morris et un homme qui souffre. D'ailleurs, a-t-il déjà un jour cessé de souffrir entre sa jeunesse violentée, son exil forcé, la mort prématurée d'un enfant et le déclin de ses espoirs professionnels qui devaient faire de sa famille des Américains à part entière ?

« C'est drôle, se dit-il, pour les Juifs la souffrance est une pièce de tissu : ils s'en drapent comme dans un vêtement ».

Ida, sa femme et Helen, sa fille. L'une est furie, aiguillon injuste qui pique là où cela fait mal, vengeance expiatoire à la hauteur de ses espoirs déçus. L'autre est à la fois rangée, résignée, mais secrètement porteuse d'encore un peu d'espoir, que tout pourrait changer si...

Et au milieu de tout ça, apparaît Franck Alpine, jeune rital en déroute mais en mal de rachat. Un seul être débarque, et tout est chamboulé.

Ce qui frappe chez Bernard Malamud, c'est que tout est apparemment simple, et le commis – traduit par J. Robert Vidal et révisé par Nathalie Zberro - n'y échappe pas.

Mais cette histoire – basique -, ce rythme – lent -, cette atmosphère - familiale - ou cette écriture – apaisée – ne sont là que pour créer le contexte idéal pour passer au révélateur des éléments de messages plus profonds.

La petite boutique de Brooklyn n'est ainsi rien d'autre que le théâtre d'une tragédie, où l'amour et la mort se confrontent à la destinée, où l'alternance du bien et du mal traduisent la quête du rebond, où la violence des coups du sort témoigne des hésitations entre résignation et possibilité d'un pardon ou d'un ailleurs.

Et c'est là qu'intervient la religion, juive en l'occurrence. Si Morris a trouvé sa ligne entre accommodation et compromis dans le suivi général du principe de la Loi, Ida en fait un guide absolu, Helen une hésitation permanente et Franck une découverte initiatrice.

« “Si vous voulez la vérité, dit-il, je n'aimais pas beaucoup les Juifs (…) Je veux dire autrefois… avant de les connaître (…) Je me faisais toutes sortes d'idées…
- C'est souvent comme ça, dit Morris“ ».
Quitter ce petit microcosme du Commis ne se fait pas sans regret, ni sans un prolongement de pensées qui dure quelques jours. Mais que ce livre est puissant, profond et apaisant !

« Et puis un dimanche après-midi le temps s'adoucit assez pour qu'elle put sortir et, soudain, elle pardonna tout à tout le monde. »
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