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Critique de michfred


Dévoré !  Avalé! Ingurgité ! 

Je viens, en quelques heures,  de faire un sort au Mangeur de livres, le premier roman  de Stéphane Malandrin,  et je m'en pourlèche encore les badigoinces pour parler comme Adar, son narrateur!

Les fins cinéphiles,  à cheval , comme votre servante, sur deux frontières, la française et la belge, connaissent sûrement Stéphane et son frangin Guillaume, car les "frères Malandrin" sont le pendant franco- belge des frères Taviani, en plus débridé et décomplexé,  et les rivaux directs, en plus jeunes et plus fantaisistes,  de ces autres cinéastes siamois, belges à part entière  que sont les frères Dardenne! Guillaume et Stephane, eux , ont fait la route inverse: ils ont planté leur wigwam fraternel dans la capitale belge qui a su très vite reconnaître leur talent. Ils y sont restés. Ce sont les plus belges des réalisateurs français!


Des frères Malandrin, donc, j'adore les films, toujours pleins d'idées, de fantaisie, d'humour un peu foutraque  et de ce grain de surréalisme qui doit s'attraper comme un virus dès qu'on séjourne un peu longtemps à  Bruxelles, cette capitale de la Gueuze et de la guindaille qui, au contraire de Paris, a le bon goût de ne pas se prendre au sérieux et la générosité  d'essaimer   ses esprits frondeurs sur notre France Inter ...sans exiger de contre-partie!


Mais c'est une chose d'écrire des scénarios et c'en est une autre de se lancer dans l'écriture d'un roman!

Stéphane Malandrin a sauté le pas avec allégresse. ..et brio!

Rien de convenu, rien de rebattu dans cette joyeuse déclaration d'amour aux livres!  Ni dans le fond ni dans la forme!

François Rabelais,  pour son Gargantua et son Pantagruel,  avait joyeusement pillé les Grandes Chroniques médiévales, ces sagas populaires de géants dont les aventures de haute graisse parodiaient,  sur le mode grotesque, les romans de chevalerie. 
Le pas très catholique curé de Meudon,  qui signait prudemment Alcofribas Nasier, anagramme transparent de son nom,  avait  transformé ces grandes brutes de géants en humanistes voraces et surqualifiés -  une astuce qui  permettait à ce papivore enragé, ce  sorbonicide convaincu, toutes les audaces critiques!

À l'instar de son modèle assumé dont il parodie avec bonheur les énumérations boulimiques,  Stéphane Malandrin  se dote lui aussi d'un héros plein de démesure: Adar,   grand baffreur, grand bagarreur,  grand roteur, grand péteur, grand ch.... - le lecteur quelque peu scato trouvera dans le livre  une explication cocasse et inattendue au désastre  de Lisbonne qui allait tant secouer Voltaire, quelques siècles plus tard-  et grand.. ..tout court, si j'ose dire, car le gigantisme bientôt le gagne,  Adar,   frère de Faustino - il y a un frère, et ce n'est pas pour nous étonner!- Adar , le Mangeur de livres.

Bref, Adar fait les quatre cents coups avec son frère  dans une Lisbonne médiévale truculente , pleine de vie, de boue, de ripailles.. .et de bibliothèques où des codex en peau de veau mort-né,  couvert d'enluminures et  clos de fermoirs précieux , s'alignent dans les hauts rayonnages des couvents, sous la garde vigilante des moines et d'un clergé séculier prompt à dégainer géhenne et bûcher contre tout ce qui sort un peu du rang...

Je ne vous raconterai rien des circonstances qui firent de ce mauvais garçon toujours affamé un grand  dévoreur de codex devant l'Eternel, ni de ses déboires avec Icelui..

Histoire de vous laisser  librement emporter par un verbe rythmé ,  bondissant à sauts et à gambades, de vous laisser goûter la saveur mellifluente des mots, de vous livrer sans frein à l'imagination brueguelienne, aux fantasmes  boschiques d'un narrateur  impertinent, vorace, immoral. ..et tellement  joyeux!

Avec la générosité qu'il a mise dans son écriture, très simplement, en vrai pote, Stéphane Malandrin , dans la postface, nous donne les clés et les sources de son érudition joyeuse, jamais pontifiante, jamais lourdingue.. Encore des livres à dévorer, pour avoir comme lui, comme Adar, le "sçavoir"gourmand et ludique et la science allègre ... et infuse!

Un vrai coup de coeur,  un vrai bonheur de lecture!
Ce premier roman est un coup de maître !
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