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Critique de Ambages


Mais quel roman magnifique. Une virtuosité dans les remous de l'âme de chacun des protagonistes, une description vivante d'une petite ville flamande avec ses différents quartiers, une vision percutante des rapports humains, et Alberte, cette héroïne à contre-emploi. Jeune fille pauvre, simple, lâchée dans un monde de veuleries et roueries d'une famille bourgeoise tenue d'une main de fer par un vieux brasseur, qui domine le jeu de dupes avec maestria et se régale à manipuler tout ce petit monde qui attend une seule chose : l'argent de l'héritage. Ce vieillard, rusé et dominateur, se régale et jubile à distribuer « ses faveurs et ses fureurs avec une injustice proprement divine. » Et pourtant, alors qu'il reconnait Alberte sa fille naturelle comme sa légataire, il se demande pourquoi. Pourquoi toute cette vie de lutte et, comme un ogre affamé, pourquoi tout le monde n'a pas cette faim. Il y aura bien une fin mais sans doute pas celle qu'il attendait de sa famille. Quelle famille ? Sans descendance directe, à l'exception d'Alberte, il se nourrit des envies qu'il fait naître chez sa soeur, ses beaux fils ou neveux, et qu'il tue d'un revers de mots cassant. Mensonges que toute cette vie bourgeoise. Mensonge de cette vie qu'il impose à sa fille, dont la mère est déjà partie dans un monde de chimères depuis qu'il l'a laissée sur le bas-côté dès qu'elle fût enceinte de lui. Il ne rechigne pas à donner quelques piécettes pour maintenir une sorte de jeu, tel un chat lançant la patte sur la souris déjà bien fatiguée, elle ne jouant plus mais attendant la fin. La fin viendra quand le vieux l'aura décidé. La surprise aussi. Alberte saura-t-elle s'acclimater à ce nouveau monde, passer du quartier des prostituées où sa mère alcoolique l'a laissée grandir à celui de la bourgeoisie et de ses histoires guères plus ragoutantes.

L'écriture de Françoise Mallet-Joris est splendide, fine, poussée. Elle creuse les âmes avec précision, pousse loin le lecteur dans les recoins cachés des psychés. Ce roman a une saveur très particulière, un goût amer et pourtant très beau. Ce personnage de Philippe, sournois et sans doute le plus honnête avec lui-même dans la compréhension de ce qui lui arrive, de ce qui se passe sous ce toit, reste pour moi, une immense gageur très bien réussie par cette autrice. Je suis impressionnée par la force de Françoise Mallet-Joris qui se dégage dans ce roman tant de ces personnages que de sa composition.
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