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Les voix du silence" est une histoire nietzschéenne de l'art mondial depuis les tableaux des cavernes d'Altamira réalisés il y 36,000 ans jusqu'à la deuxième moitié du 20e siècle. Il est depuis plus que soixante-dix ans un des livres incontournables dans le domaine. Il gardera ce statut tant et aussi longtemps que l'on considère
Nietzsche comme un philosophe important. Les dieux (chrétiens, bouddhique, et autres) sont morts. L'art est l'absolu qui dirige les artistes .
La tradition artistique est une suite de surpassements nietzschéens où chaque génération d'artistes fait une révolution contre la précédente: "Magiques, cosmiques, sacrées, religieuses les grandes
oeuvres nous atteignent du fond du passé comme autant de Zarathoustras inventés par autant de Nietzsches." (p. 617)
D'autres facteurs vont contribuer à la longévité des "Voix de silence." Il réussit brillamment à intégrer les arts asiatiques, africaines, polynésiens et européens dans une seule tradition. Son style est superbe et
Malraux possède un don remarquable pour l'aphorisme.
Pour moi, la plus grande force du livre c'est l'emploi que fait
Malraux de 636 photographies en noir-et-blancs qui sont présents dans le volume. (On y trouve aussi 15 photographies orphelines en couleur qui ne contribuent rien.) Les photographies en noir-et-blanc sont placées sur les pages avec texte très près des places ou
Malraux les discutent. Je n'ai jamais vu un autre livre d'art ou les photographies appuient aussi bien ce que l'auteur écrit.
Malraux prend grand avantage du profondeur de champ supéreir de la photographie en noir-et-blanc. Aussi, il exploite très bien sa capacité de mieux présenter la forme et la composition deux éléments qui se s'estompent dans les photos en couleurs. Parce que "Les voix de silence" plait, on accepte plus facilement ses thèses nietzschéennes.
Malraux propose deux grand concepts: (1) celui du musée imaginaire et (2) celui des métamorphoses.
Le musée imaginaire est l'ensemble de toutes les
oeuvres d'art de toutes les provenances qui exerce une influence sur l'artiste et qui le met en face avec un statut quo contre lequel il va se révolter. D'après
Malraux l'artiste vit dans un contexte historique et une tradition culturelle qui le nourrissent. L'artiste va essayer de surpasser son contexte en créant son propre style.
Les métamorphoses sont les avatars des composants artistiques ou éléments stylistique. Dans la deuxième partie du livre qui s' intitule "Les métamorphoses d'Apollon"
Malraux nous montre comment Apollon de l'art hellénique est devenu le Christ Pantocrator de l'église chrétienne orthodoxe et plus tard le Bouddha de la tradition de Gandhara en Inde.
Malraux cite les influences sur l'art francais des estampes japonaises au XIXe siècle et des masques africains au XXe siècle comme phénomènes similaires.
Pour
Malraux tout va pour le mieux dans le meilleurs de monde. L'histoire de l'art continue et c'est la seule chose qui compte. Je suis plutôt de l'avis que Dieu vit toujours et que c'est
Nietzsche qui est mort. Néanmoins
Malraux présente avec brio les idées Nietzschéennes et il est impossible de ne pas aimer
Malraux pour son enthousiasme pour les arts plastiques.