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Critique de deidamie


« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, pour notre rentrée, nous allons parler d'un roman de Mathias Malzieu, Une sirène à Paris. Je précise que j'avais adoré Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi.

Or donc Gaspard Neige a le coeur brisé par une rupture douloureuse. Lors d'une crue exceptionnelle de la Seine, il trouve une sirène blessée et la met dans sa baignoire, chez lui.

-C'est tout ?

-Ben oui, tu vois, le résumé tient en deux lignes.

Alors, tout ce roman parle d'histoires d'amour. Je précise pour ceux qui n'aiment pas ça : mais voilà, l'amour, l'amour, le manque, le désespoir : tout le texte gravite autour de ces sentiments, ce qui donne des peintures poignantes, ma foi. Les souffrances sont décrites avec une sorte de… de naïveté enfantine, ce qui donne un résultat étrange : comme si… comme si les mots servaient à mettre de la magie là où il n'y en a pas. Cela ne me déplut point, loin de là.

-Manque de bol, moi, la violence conjugale, je ne trouve pas ça magique du tout, et je trouve ça gonflé qu'on me fasse passer ça pour une belle histoire d'amour !

-Hein ? Où ça, de la violence conjugale ?

-Le couple de Milena, la doctoresse, et de son copain. Quand elle se fâche, elle se change en Hulk et fracasse les objets contre les murs, et ça n'arrive pas rarement. Et rien ni personne pour te dire « Mec, fuis, la prochaine assiette dans le mur, c'est ta gueule ». Il reste, car c'est de l'Amour, et l'Amour, c'est bô, et puis, pôvre Milena, elle souffre.

Ca m'a fait penser au film Devdas : vas-y, jette des trucs au visage de ton ou ta partenaire, comme tu le fais avec un ralenti esthétique, c'est bô et c'est de l'amour, tu vois. Même chose ici : c'est bô parce que c'est décrit avec de jolis mots, pôvre Devdas, il souffre… et moi, je devrais soupirer d'admiration ? Non ! Je ne me laisse pas arnaquer, madame !

-Mais attends, Milena a peut-être de bonnes raisons pour agir ainsi…

-Les traumatismes n'excusent pas !

-Bon, bon… quoi qu'il en soit, la poésie est omniprésente dans ce roman, ce qui lui donne une patte particulière et…

-HA ! Parlons-en, de la poésie.

-Quoi ? Tu vas me dire qu'elle est malsaine, elle aussi ?

-Oui, mais si ça t'ennuie, je vais le dire autrement. Il y en a trop et l'effet tombe parfois à plat. Qu'est-ce que ça veut dire, « les seins comme des gâteaux » ? Et quels gâteaux, d'abord ? Ca veut dire que tu te balades avec une paire de religieuses, de forêts-noires ou d'éclairs au chocolat à la place des seins ? Pinaise, quand tu penses à la galère que c'est de trouver un soutif à ta convenance… « Bonjour, avez-vous des modèles pour seins en forme de millefeuilles 95C, s'il vous plaît ? »

-Nan, mais c'est une figure de style, Déidamie… ça veut dire que… euuuuuhh… qu'on a envie de les manger, que c'est… euuuh… généreux, tu vois ?

-Je n'ai hélas que trop vu, et tu as parfaitement raison. Ce qui me fait enchaîner sur ceci : les femmes sont représentées comme des objets comestibles dans ce roman. Et cela m'effraie depuis que j'ai lu le Petit Chaperon rouge. Lorsqu'elles entrent en scène, elles provoquent la fascination du narrateur par un physique ultra canon. Pas de place pour les moches, les ordinaires. Les mannequins roulent du boule et hop, tu perds la tête. J'ai l'impression qu'elles constituent toutes ou presque des fantasmes, et ça me met mal à l'aise.

-Pourquoi ? Parce qu'on est grosse-moche à binocles, tu es jalouse ?

-Je ne suis pas jalouse, non, et on n'est pas grosse-moche, on est complexée, c'est différent. Je me sens encore plus complexée en comparaison, nuance. Si tu considères chaque roman comme un petit monde en soi, tu comprends que, dans ce monde-là, ma place n'existe pas. En même temps, je ne vais pas trop me plaindre : je n'ai pas envie d'être jugée digne d'intérêt pour mon physique de déesse.

-T'exagères un peu, quand même. Milena existe aussi par son passé et ce qu'elle a dans la tête.

-Certes, mais ce que tu connais d'elle en premier, c'est son physique. Est-ce qu'elle aurait été castée pour le roman si elle avait été une petite brune boulotte à lunettes ? Ou une femme noire ? C'est une vraie question. J'ai conservé la désagréable impression de lire les fantasmes de l'auteur, et en un mot comme en cent : ils ne m'intéressent pas beaucoup.

Quant à l'histoire avec la sirène, je l'ai trouvée sans grand intérêt. J'ai pourtant adoré sa cruauté qui mettait un peu de poivre dans la mièvrerie, hélas, les choix de Gaspard m'ont plus fait frémir et lever les yeux au ciel qu'autre chose. Lorsqu'une dame vous demande de la déposer dans son milieu naturel, on le fait. Sinon, c'est de la séquestration.

Et là encore, non, je ne vois rien de bô ni de romantique. La fiction me paraît trop artificielle, trop dissonante. Je l'ai lue en pensant à chaque phrase « Mais non, c'est affreux ce qu'il se passe, là ! ». Un peu comme Cinder, qui voit une lumière orange dès qu'on lui ment.

-Ce que tu peux être bassement terre à terre ! Si tu trouvais… je sais pas, moi, un chat ailé de la déesse Freya, tu ne voudrais pas le ramener chez toi et lui filer des croquettes ?

-Avec le caractère de chien qu'ont les dieux ?! Ca va pas, non ? C'est le meilleur plan pour me retrouver maudite pendant l'éternité ! le minet divin, hop, direct chez Odin !

Bref ! je suis désappointée. J'ai cru que je lirais une belle histoire sur le deuil, les chagrins d'amour, la vie, servie par une prose originale, et au lieu de quoi, j'ai obtenu… une histoire glaçante et effrayante déguisée en histoire d'amour.

-Et servie par une prose originale, on ne peut quand même pas enlever ça. »
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