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Critique de LaBiblidOnee


Oh qu'elle est bien faite cette quatrième de couv, qui tait judicieusement la surprise principale ! Même si elle n'est pas le seul intérêt du texte, et que chaque lecteur place le curseur du spoil différemment (selon qu'il aime tout découvrir d'un livre par lui-même, ou bien qu'il a besoin de savoir à quoi s'attendre pour se décider), ce livre est court (110 pages), laissant peu de possibilités de surprendre. Je vous laisserai donc découvrir la révélation avec l'auteur, afin qu'elle ait l'impact qu'il a souhaité. Pour ceux qui préfèrent en savoir plus, les critiques déjà en ligne révèlent tout ce que vous voudrez savoir…


Le narrateur est un ado de la banlieue de Tunis, emprisonné en attente de jugement pour un acte grave et violent que nous découvrirons au fil de ses monologues. Il nous raconte comment il en est arrivé là un peu comme Tanguy Viel dans l'article 353 du Code pénal. A chaque chapitre, ses réponses à l'avocat et au médecin qui le visitent nous dévoilent sa vie miséreuse faite de violence. Une violence omniprésente du haut en bas de la société, dont il est imprégné malgré lui faute de pouvoir y échapper : gouvernement, parents, école, la violence règne en maître, infiltre et fissure les âmes enfantines. Elle gangrène la société jusqu'aux plus jeunes, qui répètent à leur tour ce modèle sur plus faibles qu'eux : les animaux. Une violence contre laquelle il va se rebeller avec la seule arme qu'il connaisse : la violence. Pourquoi et comment réagir soudainement ? Parce que Bella est arrivée dans sa vie à la cité ; Bella-bîme, Bel Abîme, Belle-abimée ; Belle-amie. le titre joue sur les sonorités comme le narrateur avec les mots. Mais pour lui, ce n'est pas un jeu. Bella était son amie, son rayon de soleil dans un quotidien bouché et sans perspective, peut-être même son premier amour. La première, en tout cas, a l'avoir désarmé avant même leur premier échange de regard. Elle est vulnérable, il doit la protéger. Il a charge d'âme, à présent. Et si c'était plus valorisant que de blesser à son tour ? Il prend alors conscience que la violence est moins tolérable lorsqu'elle s'acharne sur ceux que l'on aime plutôt que sur nous-même. Mais comment se fait-il dans ce cas que jamais personne n'ait pris sa défense à lui…? « Je lui murmurais que l'un comme l'autre, nous étions un bel abîme dans lequel les rêves se sont échoués ». Bel Abîme, ou l'histoire d'une chute annoncée dont le responsable n'est pas le seul coupable.


« Les gouffres que la violence des grands avaient creusés à l'intérieur de nous étaient de véritables trous noirs que rien ne rassasiait. Mon frère n'avait pas trouvé la belle qui aurait pu remplir de joie son coeur. » 110 pages, c'est court, alors je ne vais pas vous raconter ce qu'a fait le narrateur, ni pour qui il l'a fait, ni avec quoi il l'a fait. A la place, je vous invite à prêter attention à chaque parole employée, à la manière dont l'auteur les prend au mot, dont le narrateur joue avec, et la manière dont ensemble ils s'appuient dessus pour construire ce récit. Dans un récit où chaque mot compte et entraîne le suivant, observez à quel point les termes se répondent, les indices se sèment dès la première page du livre. Regardez le premier mot de ce texte, et regardez le dernier. Et demandez-vous : Qui est qui, finalement ? Un roman qui peut se lire comme un genre de conte philosophique, métaphorique à souhait. L'état des lieux d'un pays gangréné par le mépris des plus faibles, une apologie de l'amour comme seul capable de pouvoir changer le monde, et la démonstration par l'absurde que la violence ne résout rien, même s'il est difficile de sortir de son cercle vicieux. le narrateur tente de multiples façons de dénoncer l'idiotie d'un système basé sur la violence : comme les politiques, il joue avec les mots pour exprimer ses idées, ne cesse de leur faire retourner leur veste pour en démontrer la bêtise. Il met le système devant ses contradictions, place les mots en miroir pour que l'on se regarde en face (comme y invite la couverture) : Finalement, tous les hommes ne sont-ils pas des chiens ? Mais pour qui serait l'insulte ? Une maîtrise de la langue qui a beaucoup de gueule, par cet auteur né à Tunis.


« Ce n'est pas avec un tel discours que je pourrai prétendre à un allègement de peine ? Ma peine, celle au fond de mon coeur, ne sera jamais allégée. Mais tant qu'il y a les souvenirs, et tant qu'il y aura les livres, je ferai mieux que survivre. »
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