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Des lois suant la tyrannie, la barbarie et le mensonge

Gilles Manceron introduit par une « Petite histoire des lois scélérates ». car il s'agira principalement de cela dans cet ouvrage : lois de 1893 et 1894, bagnes et arbitraire durant la première guerre mondiale, état d'urgence et guerre d'Algérie et les prolongement en 2005 « Il s'agissait de dire que, comme en 1955 face à l'insurrection algérienne, le gouvernement pouvait recourir à la force si nécessaire, face à une insurrection de descendants d'indigènes dans les banlieues. Un message bien révélateur de la persistance de l'imaginaire colonial et des illusions de son efficacité », loi « anticasseurs » et ses résurgences, législation d'exception antiterroriste.

Les articles, se terminent par des propositions, je ne commente que quelques éléments.

Antoine Comte : « La garde à vue » nous rappelle « On ne comprend rien à la garde à vue si on ne la met pas en perspective de l'aveu ». L'auteur analyse les arbitraires de cette procédure et prône sa suppression.

Gilles Sainati : « La police : une compétence régalienne ? ». L'auteur part d'un rapport de la Cour des comptes et souligne que la démarche adoptée en matière de police et de sécurité, durant les années Sarkozy, « constitue le coeur d'une approche idéologique et politique ». Il propose, entre autres, de nationaliser « la sécurité pour rendre ses compétences régaliennes à la République… celle de 1793. »

Antoine Conte : « Prisons et détention ». En exergue une citation de B. Aubusson de Cavarlay de 1985 « L'amende est bourgeoise et petite bourgeoise, l'emprisonnement avec sursis est populaire, l'emprisonnement ferme est sous-prolétarien ». Au delà des termes employés, le rapport entre prison et groupes sociaux est clair.

Les données statistiques confortent cette analyse. Et l'auteur souligne que « ce sont bien les politiques pénales qui, en amont, sont pourvoyeuses des prisons ». Il nous rappelle aussi que « le séjour irrégulier est, en France, un motif d'incarcération », que contrairement aux allégations gouvernementales, il existe une « relation étroite entre mode de libération et le taux de récidive… (23% des retours en prison pour les libérés conditionnels contre 40% pour les sorties sèches) ».

Avant d'analyser les mauvaises conditions concrètes de détention, Antoine Comte précise « Décidément, les statistiques sont sévères pour la société qu'elles décryptent puisque, à leur manière, elles rappellent que les faits sociaux sont têtus et que les politiques pénales sont dictées par l'évitement des questions sociales à résoudre », ce qui me paraît incontournable, mais ne règle pas pour autant la totalité de la question.

Parmi les conclusions, un rappel « une personne soupçonnée, reste un citoyen qui reprendra sa place dans la société à l'issue de l'épisode judiciaire » et une constatation forte « On ne peut pas refuser une société structurellement injuste et en accepter la photographie hideuse que nous renvoient ses prisons et son système de détention. »

Matthieu Bonduelle : « Réformer le parquet, instrument judiciaire de l'arbitraire gouvernemental »

Évelyne Sire-Martin : « Pucés, filmés, fichés, quelles alternatives ? » L'auteure évoque, entre autres, la politique, dite de tolérance zéro, inefficace « elle participe au délitement du lien social, elle organise une politique de la peur de tous contre tous », il n'y aucune raison d'accepter d'être surveillé-é. Elle montre des points du programme du Front national appliqué par Nicolas Sarkozy et le « silence assourdissant de la gauche » Il est plus que nécessaire de sortir de cette société du soupçon.

Elle ajoute que si le droit à la sûreté est inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789, le droit à la sécurité est une invention récente : « le droit à la sûreté est un droit des citoyens face au pouvoir des gouvernements de poursuivre, d'accuser, d'emprisonner. C'est le droit à la présomption d'innocence, à la défense par un avocat, à la garantie judiciaire du respect des libertés individuelles face à l'absolutisme, à l'État policier ».

William Bourdon : « L'exception antiterroriste » et la « figure de l'ennemi de l'intérieur », « du barbare, du déviant » dans l'imaginaire collectif construit, entre autres, par le médiatique matraquage des faits divers. A l'inverse il faut « dénoncer l'existence d'une présomption de culpabilité qui se substitue à la présomption d'innocence – mais aussi une forme de culpabilité liée à une proximité avec la mouvance de l'islamisme armée », éviter « toute extension de la définition du terrorisme » et en particulier « cette infraction doit être limitée à ceux qui, pour l'essentiel, visent à provoquer des dommages à l'intégrité des personnes et non pas des biens », sans oublier les dérives, le passage « dans une érosion clandestine des principes essentiels qui garantissent le procès équitable ».

Gérard de la Pradelle : « Violence d'État et droit international »

Félix Boggio Ewanjé-Epée et Stella Magliani-Belkacem : « Un réformisme offensif contre le racisme d'État »

« Humainement, personnellement, la couleur n'existe pas. Politiquement, elle existe. James Baldwin, La prochaine fois, le feu ». La citation de James Baldwin illustre bien le propos.

En effet, « le pouvoir produit et reproduit une catégorie qu'il se refuse à nommer directement : la catégorie des non-blancs ». Ce sont les Noir-e-s, les Arabes, les Autres alors que les Blanc-he-s ne sont jamais désigné-e-s comme tel-le-s. « Comme » les hommes sont l'universel, les femmes le particulier sexué, ici le/la blanc-he est l'universel sans couleur, les Autres ont une couleur, qui par ailleurs, n'a éventuellement qu'un lointain rapport avec la peau. Il s'agit d'une construction sociale d'asymétrie, de privilège, de domination et d'oppression. « Tout ce qui est discrimination pour l'un est privilège pour l'autre ».

Le racisme n'est pas une « mauvaise habitude », une incompréhension vis-à-vis des autres, un problème psychologique, mais bien un rapport social dont il ne faut pas occulter les dimensions proprement politiques.

A juste titre, les auteur-e-s soulignent « Nous assistons aujourd'hui à une coïncidence entre idéologie libérale et racisme respectable : responsabiliser les personnes discriminées et les mettre en conformité avec le récit national ». Parmi les propositions avancées : « la définition d'objectifs de promotion positive » ou la représentation construite « autour d'organisations autonomes et indépendantes ».

Carlo Sanrulli : « Critique de la répression des enfants : du chenapan au petit caïd ».

Paul Machto : « La psychiatrie au service de la norme » dont je ne cite qu'une remarque « il faut déconstruire cette falsification qu'est la nécessité des traitements médicamenteux comme solution fondamentale au traitement des personnes en grande souffrance psychique. »

Karine Parrot : « La liberté de circuler, sinon rien ».

Si la fermeture des frontière « c'est nécessairement enfermer des personnes, des familles dont le seul crime est de n'avoir pas de papiers », il faut, comme rappeler que « l'infra-droit des étrangers » est « un instrument de discrimination raciale et de domination sociale ».

Je regrette que les dimensions sexuées de l'arbitraire du pouvoir ne soient pas traitées.

Il conviendrait de discuter des formulations, des articulations et aussi des réponses à apporter, tant pour abroger immédiatement certaines lois ou dispositions, que pour élaborer de nouveaux droits pour toutes et tous.

Il faudrait aussi poursuivre ces analyses et aborder des domaines plus banalisés, le rôle du droit dans le renforcement des inégalités et des asymétries, dans les relations hommes-femmes, en milieu du travail, etc…
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