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Citations sur Chroniques (102)

Pourquoi des polars plutôt qu'autre chose ? Je n'avais pas une vieille culture polardeuse, mais il se trouve que j'avais une grand mère maternelle etonnante. Elle etait écossaise, avait été suffragette, s'etait couchée sur les voies de chemin de fer et tout ça, et elle avait fait partie de la première génération de filles admises dans les universités britanniques. Quand j'avais huit ou neuf ans, elle devait en avoir soixante-dix, elle avait des cheveux aile-de-corbeaux, un mètre quatre-vingts et s'habillait en rouge, ce qui semait la panique dans le petit village normand où elle résidait ; et elle lisait la Série Noire. Par elle je suis tombé sur Cheyney, Hadley Chase, et je me rappelle que j'ai été impressionné à l'époque, par Il gèle en enfer d'Helliott Chaze : la nana à poil qui se vautre dans les billets de banque après le braquage, c'est très frappant pour un môme pré pubertaire, c'est ma «scène primitive» de polardeux.
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Le mieux, pour lire de bons polars, c’est d’abord d’avoir un bon libraire (ou plusieurs). Parce que la plupart du temps, en passant commande, on peut avoir des livres six ou douze fois meilleurs que les nouveautés du trimestre qui sont sur le présentoir pivotant. Encore vous faut-il un bon libraire, un homme qui, si vous lui demandez d’aller vous chercher sous trois jours, en pleine zone bleue, Sérénade de James Cain (1954) ou J’aurais dû rester chez nous de Horace McCoy (1948) ne vous répondra pas qu’il n’y en a plus, c’est épuisé – soit qu’il le pense vraiment, soit qu’il estime très justement que son bénéfice dessus ne vaut pas le dérangement. Amateurs de polars, sachez bonifier votre libraire ! Une fois l’an, achetez-lui un dictionnaire, ou le journal de Jules Renard, ou la correspondance de Marx et Engels, toutes choses volumineuses et coûteuses qui vous vaudront l’estime de l’excellent boutiquier, vous feront passer pour un bon client, et qui d’ailleurs vous aideront à parfaire votre jouissance du polar. Amateurs, bonifier son libraire, c’est parfaire sa jouissance, sachez-le ! (Charlie Mensuel, décembre 1977)
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Il y a dans Paris noir une nouvelle de Pierre Siniac. Il y en a sept de plus dans L'unijambiste de la côte 284 (SN 1773), bientôt suivi de Reflets changeants sur mare de sang (SN). Un régal, les amateurs de Siniac le savent, et ils sont heureusement de plus en plus nombreux. Le succès a tardé pour cet auteur ; c'est une honte. Çà vous fait du pain sur la planche, si l’œuvre avait jusqu'ici échappé à votre attention, et de plus si vous êtes miro : treize autres Série noire, trois gros thrillers chez Lattès (L'Or des fous, Le Tourbillon, L'Orchestre d'acier), et puis Pas d'Ortolans pour la Cloducque aux Éditions Autres, et Luj Inferman' dans la jungle des villes chez Engrenage (sans parler de diverses oeuvres de jeunesse), excusez du peu !
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Cette mécanique économique (et bêtement arithmétique) n’est qu’un aspect de la question, le plus plat. Si le polar n’est rentable qu’en édition bon marché, c’est qu’il est considéré généralement comme de la littérature bon marché, de la sous-littérature. Trente mille personnes, dans les années 50, achèteront des polars à 300 AF parce que – parmi les gens qui veulent bien mettre 900 AF dans un livre – il n’y en a pas trois mille pour juger qu’un simple petit polar mérite un tel débours, réservé à la culture (Camus, Sartre, Saint-Exupéry, etc.). On ne peut jamais séparer longtemps l’économie de l’idéologie (d’autant que c’en est une, mais passons). (Charlie Mensuel, janvier 1980)
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Ici la lutte des classes n’est pas absente de la même façon que dans le roman policier à énigme ; simplement, ici les exploités ont été battus, sont contraints de subir le règne du Mal. Ce règne est le champ du roman noir, champ dans quoi et contre quoi s’organisent les actes du héros. Lorsque ce héros n’est pas lui-même un salaud luttant pour sa petite part de pouvoir et d’argent (comme dans les J.-H. Chase de la première période), lorsqu’il a (comme chez Hammett et Chandler) connaissance du Bien et du Mal, il est seulement la vertu d’un monde sans vertu. Il peut bien redresser quelques torts, il ne redressera pas le tort général de ce monde, et il le sait d’où son amertume.
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Dans le roman criminel violent et réaliste à l’américaine (roman noir), l’ordre du Droit n’est pas bon, il est transitoire et en contradiction avec lui-même. Autrement dit le Mal domine historiquement. La domination du Mal est sociale et politique. Le pouvoir social et politique est exercé par des salauds. Plus précisément, des capitalistes sans scrupules, alliés ou identiques à des gangsters groupés en organisations, ont à leur solde les politiciens, journalistes et autres idéologues, ainsi que la justice et la police, et des hommes de main. Ceci sur tout le territoire, où ces gens divisés en clans, luttent entre eux par tous les moyens pour s’emparer des marchés et des profits. On reconnaît là une image grossièrement analogue à celle que la critique révolutionnaire a de la société capitaliste en général. C’est une évidence.
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Aussi bien met-il, dans le dérèglement des consciences et la brutalité des actions, une violence qui approche l'insupportable, sauf que l'invention stylistique brise chaque fois notre envie de vomir en prenant au dépourvu, chaque fois qu'il faut, notre esprit et notre estomac . Ainsi, par exemple, le mot PROFANATION vient-il résumer soudain une boucherie dont on ne nous a pas épargné les détails . Et à l'instant ce terme, en soi mystique, ici poétique, nous précipite dans une horreur esthétique inattendue, nous délivrant de la charcuterie réaliste et du même pas nous précipitant dans une inquiétude plus redoutable .
Eloge de James Ellroy.
in Libération du 7 juillet 1987
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Aussi bien met-il, dans le dérèglement des consciences et la brutalité des actions, une violence qui approche l'insupportable, sauf que l'invention stylistique brise chaque fois notre envie de vomir en prenant au dépourvu, chaque fois qu'il faut, notre esprit et notre estomac . Ainsi, par exemple, le mot PROFANATION vient-il résumer soudain une boucherie dont on ne nous a pas épargné les détails . Et à l'instant ce terme, en soi mystique, ici poétique, nous précipite dans une horreur esthétique inattendue, nous délivrant de la charcuterie réaliste et du même pas nous précipitant dans une inquiétude plus redoutable .
Eloge de James Ellroy.
in Libération du 7 juillet 1987
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