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Critique de Nelja


Une longue biographie romancée de Camille Desmoulins. Danton et Robespierre sont aussi très présents, ainsi que Lucile Desmoulins, bien sûr, et une foule d'autres personnages, sans compter la révolution elle-même, dont on sent le souffle épique et tragique, noble ou horrible, tout le long.

Le livre est principalement écrit à la troisième personne, mais de temps en temps, on a des passages à la première personne, des extraits de journaux, de rapports, réels ou inventés, des petites scènes écrites en mode théâtral, ce qui forme un bric-à-brac qui en théorie ne devrait pas être recommandé comme mode d'écriture, mais qui, en l'occurence, marche excessivement bien.

Ce en quoi Hilary Mantel est très douée et qui fait marcher son texte : les répliques ou autres remarques sarcastiques, dans les dialogues ou la narration. C'est souvent de l'humour noir, mais j'ai pouffé régulièrement. L'ironie dramatique. Les relations interpersonnelles intenses et complexes, qui ne rentrent jamais dans des moules, qu'on ressent à travers les dialogues et les actes plutôt que les analyses externes. La description des compromis, des refus de compromis, et de leurs conséquences. La description des mouvements de foule. On peut imaginer à quel point chacun de ces talents est précieux pour le sujet en question ! Elle sait utiliser les personnages féminins, ce qui n'est pas toujours évident, avec un tel thème. Elle a aussi fait une très, très grande quantité de recherche et maîtrise parfaitement son sujet.

En fait, cela en devient presque frustrant. Je me retrouve à lire de très longs passages en me disant, wow, elle sait parfaitement l'histoire et comment la rendre, elle sait comment rendre l'ambiance, les personnalités de Danton, de Robespierre, de Mirabeau, de Marat, de Madame Roland, sont parfaites, et... he, mais ça, cette conspiration, cette relation personnelle, ce n'est pas historique, ce n'est jamais arrivé ! Puis je me reprends, je suis bête, c'est un roman historique, bien sûr, elle a le droit et presque le devoir de s'éloigner de l'histoire, mais elle me l'avait fait oublier un instant. Ca ne veut pas dire qu'elle pense que c'est arrivé, ou qu'elle veut le faire croire.

Dans les divergences très intéressantes : sa version de Camille et du ménage Desmoulins ne correspond pas du tout à ce que j'imagine, beaucoup plus débauché, en premier (elle utilise dans son roman des histoires qui, à mon avis, sont des rumeurs sans fondement, et néglige explicitement les journaux de Lucile comme pieux mensonges ne contenant que des pensées élevées pour la postérité) mais Camille est tellement bien écrit, infiniment charismatique et charmant et irresponsable, toujours cohérent avec sa figure publique, que vraiment, comment s'en plaindre ? La dynamique entre eux est excellente - et la romance touchante, même si ça a bien mal commencé, genre, Camille qui l'a demandé en mariage pour avoir un prétexte pour essayer de séduire sa mère. Oh, et la tension sexuelle lourde entre Danton et Lucile d'une part, Danton et Camille d'autre part, est très bien écrite.

Dans les divergences qui m'ont gênée : une insistance à mettre les hébertistes en méchants sans nuances, et - c'est plus personnel - une insistance, pour l'effet tragique, à écrire toutes les amitiés de Robespierre autres que Camille comme toxiques ou insignifiantes. Je comprends qu'on écrive Saint-Just comme très déplaisant, voire en pur méchant, dans un tel cadre, mais il l'est de façon qui lui va mal dans la moitié de ses apparitions. Et surtout l'auteur est très injuste avec les Duplay et ça m'attriste de penser que certains lecteurs n'auront que cette image d'eux, surtout quand elle a tant de personnages secondaires écrits de façon beaucoup plus nuancée à côté.
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