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Critique de read_to_be_wild


« L'être humain est décidément une étrange machine. On lui donne du pain, de l'eau, parfois du vin, et il transforme ce combustible en larmes, en rires, en rêves.
Et souvent en mensonges aussi.
Dans ce paradis perdu et parfaitement imaginaire qu'est la Grèce classique, pour nous autres Européens d'Occident, rien n'est plus antique que l'Acropole d'Athènes. Et pourtant je suis plus âgée que ce musée où je m'apprête à passer la nuit sur un lit de camp. »

Déplacer la lune de son orbite, Andrea Marcolongo @manuitaumusee @editionsstock @andrea.marcolong

Si vous ne connaissez pas encore la collection Ma nuit au musée des éditions Stock, dirigée par @alinagurdiel, il n'est pas trop tard pour y remédier 😉 le principe est simple: une autrice ou un auteur passe une nuit dans un musée emblématique et met des mots sur cette expérience unique qui en a fait voyager certains bien loin, parfois au plus profond de leurs souvenirs…

Dans cet ouvrage, l'autrice, fervente helléniste, nous parle de la nuit qu'elle a passée au musée de l'Acropole en vue d' « essayer de combler, au moins par les mots, le vide laissé par les scies et les pioches des Européens qui ont fait sans remords de la Grèce antique une « boutique de pierres», comme l'écrivait lord Byron. »

Elle s'attache à retracer l'histoire de l'Acropole à travers les siècles de son existence et plus particulièrement à mettre en mots le désastre que fut le pillage de ses merveilles par les Anglais, lors de l'occupation turque de la Grèce…

« Si les marbres du Parthénon ne secrétèrent pas de sang comme les madones italiennes et se contentèrent de gémir discrètement la nuit, les dégâts commis par Lusieri et les ouvriers d'Elgin furent incontestablement violents et cruels, parfois infligés avec une barbarie confinant à la torture.
Ce qui est mort est mort, c'est indéniable. Mais reste toujours le tombeau.
À l'aube du xix° siècle, la Grèce antique d'Homère et de Platon avait certes disparu depuis plus de deux millénaires, mais mutiler son sépulcre fut un outrage plus proche de la profanation que de l'archéologie. Semblable au sacrilège nocturne des profanateurs de cimetières qui brisent les stèles en morceaux. »

Au-delà des racines grecques du monde occidental et de tout ce que nous devons à la Grèce antique…

« Si chaque homme et chaque femme qui ont eu une idée après avoir lu Platon ou Aristote, qui se sont exclamés Eurêka! après avoir étudié Archimède ou Ératosthène, qui ont ressenti le besoin d'écrire, de peindre, de jouer de la musique après avoir assisté à une tragédie de Sophocle - ou qui se sont tout simplement sentis compris, moins méchants et plus humains -, reconnaissaient aujourd'hui leur dette envers l'Antiquité, la Grèce siégerait au faîte du monde, de l'Olympe même, révérée et respectée de tous les autres pays, humbles mendiants aux pieds de sa grandeur. »

… ce sont aussi ses propres racines que l'autrice interroge, son passé, ses origines.

« Cette nuit mes bras ne servent plus qu'à étreindre mes regrets.
Et pourtant je sais que si je suis là aujourd'hui, orpheline prosternée devant l'Acropole, je le dois entièrement à mon père. »

Un texte d'une grande beauté qui nous rappelle ce que l'on doit à la culture classique, mais aussi l'histoire bouleversante de la barbarie infligée au Parthénon « Elgin avait arraché les oeuvres les plus importantes de l'Antiquité à un peuple affaibli mais fier, en les détachant à grand renfort d'outils d'un monument qui se dressait, intact, depuis plus de deux mille ans sur l'Acropole. », ce désastre pour l'humanité et la Grèce, toujours privée aujourd'hui des marbres injustement volés!

Se souviendra-t-on que « les valeurs du monde classique qui, à la différence du Parthénon, ne sont pas de pierre, mais demeurent invisibles, impalpables. Grandioses et pourtant fragiles. » demeurent essentielles dans notre monde contemporain car « la culture nous libère », nous enrichit, révèle la part de divin que nous avons en chacun de nous?

Se souviendra-t-on que « D'après Homère, l'aurore est rhododaktyle
[…], « aux doigts de rose », mais ce matin les caresses de l'aube dans le ciel d'Athènes étaient d'or. Surgissant derrière la Macédoine et la Thessalie, vers 6 heures, le char du Soleil a baigné l'Attique d'une lumière dorée pour ranimer chacun de ses habitants, comme le souffle d'une Pentecôte antique. »?

Ce souffle, cette lumière d'or sont à l'image de la culture antique qui ranime notre âme au souvenir de nos racines… et nous rappelle chaque jour ce qu'est un être humain, de chair et d'esprit!
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