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Critique de nicolaslaruaz


Etant données les circonstances tragiques liant l'auteur et le sujet de ce petit livre - l'assassinat du premier le jour de la sortie du roman du second le 7 janvier 2015 -, sa lecture ne peut que provoquer un petit quelque chose au niveau de la poitrine chez quiconque a plus d'humanité que de cynisme. Mais bien sûr tout cela n'est pas une raison pour ne pas en faire une (saine) critique.

Houellebecq économiste est un essai séduisant dans son principe, bien écrit et plutôt bien documenté pour un pamphlet. Mais qui m'a laissé sur ma faim sur l'essentiel : le fond de l'analyse économique de l'oeuvre houellebecquienne.

Le vrai souci ici est que Maris se fait plus royaliste que le roi en appuyant le propos antilibéral de Houellebecq, qui est chez lui, au sens du libéralisme économique - l'aspect qui intéresse ici Bernard Maris -, sans doute moins central que la critique de la pensée libertaire, et de la libération des moeurs et des normes sociales de manière générale. Cette pensée libertaire, si elle est implicitement évoquée au passage de la critique du consumérisme, n'est jamais distinguée en tant que telle dans cet essai. . Sans doute parce que Maris souscrit à la libération des moeurs... et donc “oublie” la critique du libéralisme sexuel chez Houellebecq, qui est pourtant centrale dans son oeuvre, dès Extension... et qui est clairement l'un des fils rouges de l'ensemble de ses romans. Alors vous allez me dire que le bouquin parle d'économie et pas de social... Ce à quoi je vous répondrai "Certes, mais le libéralisme au sens économique n'est jamais abordé séparément, comme un objet critiqué chez Houellebecq".

Bref, Bernard Maris fait une interprétation hémiplégique, de gauche, marxiste, donc économisante, de l'oeuvre de Houellebecq : sans doute de la même façon qu'un réactionnaire pourrait faire une interprétation hémiplégique de droite de son oeuvre en négligeant par exemple toute sa description du monde du travail, mais en insistant sur le fait religieux et une certaine vision conservatrice de la société.

On sent donc bien que Maris, au delà de Houellebecq, a en son agenda caché la volonté d'en découdre sur un mode quasi marxiste avec le capitalisme et le libéralisme. Alors même, rappelons-le, que Houellebecq est loin, malgré le titre de son premier roman, de défendre de près ou de loin des positions marxistes... ou des positions politiques quelles qu'elles soient ! Et si l'opinion de l'auteur lui-même est de plus en plus difficile à cerner au fil des romans, les opinions exprimées par ses personnages en matière d'économie deviennent aussi de plus en plus variées. Et j'ai bien du mal à voir dans les derniers romans de Houellebecq le marxisme sous-jacent relevé par Maris.

Au fil des pages apparait donc l'impression un peu gênante que l'oeuvre de Houellebecq se fait manipuler par Maris.

Nous ne sommes donc clairement pas face à un essai littéraire, mais "juste" économique, et surtout: économique-de-gauche-anticapitaliste. On aurait donc aimé, quitte à conserver ce parti pris - qui me parait comme vu plus haut au moins discutable - plus d'éléments soutenant l'affirmation que l'économie n'est pas une science, que tous les économistes dits libéraux (j'imagine qu'il entend par là “classiques”, “autrichiens”, etc.) sont des charlatans, qu'il n'y a pas de vérité en économie... Façon déguisée, évidemment, de considérer que l'économie ne peut être une discipline rationnelle, mais qui se fonde sur des valeurs, et se doit donc d'être soumise à la "volonté générale"... donc à l'Etat.

Apprécions tout de même la jolie plume de Bernard Maris, qui fait de la lecture de ce petit livre un assez bon moment. Et d'ailleurs, n'est-ce pas là principalement ce que l'on peut attendre a minima d'un pamphlet dont on n'approuve pas la thèse ?
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