AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Elbos


Ce livre fait le récit amer d'une désillusion. En suivant la brève leçon de marxisme de Bernard Maris, on comprend avec lui que la révolution communiste a moins pour ambition de mettre fin à l'exploitation de l'homme par l'homme que d'anéantir le péché qui ronge son coeur. Ce n'est pas le capital que veut défaire Karl Marx mais la mort en tant qu'elle est un scandale métaphysique. le communisme ne serait alors pas tant une situation économico-politique mais une situation spirituelle et métaphysique située hors de toute temporalité historique : en un mot, le communisme se confond avec la béatitude chrétienne. Or, c'est précisément parce que l'ambition et la finalité du projet communiste sont de nature extra-physiques que les moyens purement matériels (économiques et politiques) qu'il se propose de mettre en oeuvre pour y parvenir sont condamnés à l'échec le plus cuisant et à la Terreur.

Quel salut reste-t-il alors ?
Bernard Maris étant matérialiste, il ne peut en envisager d'autres que politiques ; inapte à penser la grâce, il achève son texte sur l'aveu d'une défaite et l'expression d'un profond découragement : il n'existe pas de solution politique au problème du mal. Face aux limites et aux contradictions internes du marxisme qui était pourtant notre seul espoir, il ne nous reste plus qu'à inaugurer le triomphe définitif de la mort qui marquera le début d'une ère nouvelle, celle d'un âge sombre d'où l'espérance serait bannie.

Les lamentations de Bernard Maris ne sont pas sans rappeler celles d'Albert Caraco : on y retrouve la même certitude que le pire adviendra nécessairement (soit par l'annihilation totale de l'humanité soit par sa domestication technicienne) ainsi que la même fascination pour la figure idéelle de la Femme qui serait à la fois imperméable au péché et source de vie entièrement étrangère aux forces de mort (ben voyons). On y retrouve également la même conscience écologique teintée de misanthropie, le même désir inavoué de sauvegarder le règne animal par l'anéantissement de l'humanité comparée ici et là à une anomalie contre-nature ou à un parasite dont il faudrait se débarrasser. On comprend aisément que le carburant psychique du communisme authentique est ou bien génocidaire ou bien suicidaire car faute de discernement, l'horreur bien légitime qu'inspire le péché est reporté sur l'homme lui-même. Dès lors, l'humanité n'est plus regardée comme en proie au problème du mal mais comme le mal lui-même, une erreur que les penseurs gnostiques commettaient déjà.

Pour pallier ce travers, on se tournera utilement vers les enseignements d'Albert Camus et du penseur catholique Nicolás Gómez Dávila qui écrivait que « face au marxisme il y a deux attitudes également erronées : dédaigner ce qu'il enseigne, croire ce qu'il promet. » tandis que le premier avertissait :

« La révolte bute inlassablement contre le mal, à partir duquel il ne lui reste qu'à prendre un nouvel élan. L'homme peut maîtriser en lui tout ce qui doit l'être. Il doit réparer dans la création tout ce qui peut l'être. Après quoi, les enfants mourront toujours injustement, même dans la société parfaite. Dans son plus grand effort, l'homme ne peut que se proposer de diminuer arithmétiquement la douleur du monde. Mais l'injustice et la souffrance demeureront et, si limitées soient-elles, elles ne cesseront pas d'être le scandale. [...] Il y a donc, pour l'homme, une action et une pensée possibles au niveau moyen qui est le sien. Toute entreprise plus ambitieuse se révèle contradictoire. L'absolu ne s'atteint ni ne se crée à travers l'histoire. La politique n'est pas la religion, ou alors elle est inquisition. »
Commenter  J’apprécie          196



Ont apprécié cette critique (19)voir plus




{* *}