Citations sur L'Adolescence clémentine (42)
Des trois couleurs, gris, tanné et noir.
Gris, tanné, noir, porte la fleur des fleurs
Pour sa livrée, avec regrets et pleurs :
Pleurs et regrets en son coeur elle enferme,
Mais les couleurs dont ses vêtements ferme
(Sans dire mot) exposent ses douleurs.
Car le noir dit la fermeté des coeurs ;
Gris, le travail ; et tanné, les langueurs ;
Par ainsi c'est, Langueur en Travail ferme,
Gris, tanné, noir.
J'ai ce fort mal par elle et ses valeurs,
Et en souffrant ne crains aucuns malheurs,
Car sa bonté de mieux avoir m'afferme :
Ce nonobstant, en attendant le terme,
Me faut porter ces trois tristes couleurs,
Gris, tanné, noir.
De celui qui nouvellement a reçu lettres de s'amie.
A mon désir, d'un fort singulier être
Nouveaux écrits on m'a fait apparaître,
Qui m'ont ravi, tant qu'il faut que par eux
Aie liesse ou ennui langoureux :
Pour l'un ou l'autre Amour si m'a fait naître.
C'est par un coeur que du mien j'ai fait maître,
Voyant en lui toutes vertus accroître :
Et ne crains, fors qu'il soit trop rigoureux
A mon désir.
C'est une Dame en faits et dits adextre,
C'est une Dame ayant la sorte d'être
Fort bien traitant un loyal amoureux.
Plût or à Dieu que fusse assez heureux
Pour quelque jour l'éprouver et connaître
A mon désir.
A un créancier.
Un bien petit de près me venez prendre,
Pour vous payer : et si devez entendre
Que je n'eus onc Anglais de votre taille.
Car à tous coups vous criez : " baille, baille ",
Et n'ai de quoi contre vous me défendre.
Sur moi ne faut telle rigueur étendre,
Car de pécune un peu ma bourse est tendre,
Et toutefois j'en ai, vaille que vaille,
Un bien petit.
Mais à vous voir (ou l'on me puisse pendre)
Il semble avis qu'on ne vous veuille rendre
Ce qu'on vous doit : beau sire, ne vous chaille.
Quand je serai plus garni de cliquaille,
Vous en aurez : mais il vous faut attendre
Un bien petit.
De la rose
La belle Rose, à Vénus consacrée,
L’œil et le sens de grand plaisir pourvoit ;
Si vous dirai, dame qui tant m'agrée,
Raison pourquoi de rouges on en voit.
Un jour Vénus son Adonis suivait
Parmi jardin plein d'épines et branches,
Les pieds sont nus et les deux bras sans manches,
Dont d'un rosier l'épine lui méfait ;
Or étaient lors toutes les roses blanches,
Mais de son sang de vermeilles en fait.
De cette rose ai jà fait mon profit
Vous étrennant, car plus qu'à autre chose,
Votre visage en douceur tout confit,
Semble à la fraîche et vermeillette rose.
J'ai contenté.
J'ai contenté
Ma voulenté
Suffisamment,
Car j'ai été
D'amour traité
Différemment.
J'ai eu tourment,
Bon traitement,
J'ai eu douceur et cruauté :
Et ne me plains fors seulement
D'avoir aimé si loyaument
Celle qui est sans loyauté.
Coeur affété
Moins arrêté
Qu'un seul moment,
Ta lâcheté
M'a déjeté
Fâcheusement.
Prends hardiment
Amendement.
Et vous, Dames de grand beauté,
Si l'honneur aimez chèrement,
Vous n'ensuivrez aucunement
Celle qui est sans loyauté.
Ma Dame ne m'a pas vendu.
Ma Dame ne m'a pas vendu,
Elle m'a seulement changé :
Mais elle a au change perdu,
Dont je me tiens pour bien vengé,
Car un loyal a étrangé
Pour un autre, qui la diffame.
N'est-elle pas légère femme ?
Le Noir a quitté et rendu,
Le Blanc est d'elle dérangé,
Violet lui est défendu,
Point n'aime Bleu, ni Orangé :
Son coeur muable s'est rangé
Vers le Changeant, couleur infâme.
N'est-elle pas légère femme ?
D'où vient cela, belle, je vous supplie.
D'où vient cela, belle, je vous supplie
Que plus à moi ne vous recommandez ?
Toujours serai de tristesse rempli
Jusques à tant qu'au vrai le me mandez.
Je crois que plus d'Ami ne demandez,
Ou mauvais bruit de moi on vous révèle,
Ou votre coeur a fait amour nouvelle.
Si vous laissez d'amour le train joli,
Votre beauté prisonnière rendez ;
Si pour autrui m'avez mis en oubli,
Dieu vous y doint le bien que y prétendez ;
Mais si de mal en rien m'appréhendez,
Je veux qu'autant que vous me semblez belle,
D'autant ou plus vous me soyez cruelle.
Qui veut avoir liesse.
Qui veut avoir liesse
Seulement d'un regard,
Vienne voir ma maîtresse,
Que Dieu maintienne et gard !
Elle a si bonne grâce,
Que celui qui la voit,
Mille douleurs efface,
Et plus s'il en avoit.
Les vertus de la belle
Me font émerveiller.
La souvenance d'elle
Fait mon coeur éveiller.
Sa beauté tant exquise
Me fait la mort sentir ;
Mais sa grâce requise
M'en peut bien garantir.
Je suis aimé de la plus belle.
Je suis aimé de la plus belle
Qui soit vivant dessous les cieux :
Encontre tous faux envieux
Je la soutiendrai être telle.
Si Cupido doux et rebelle
Avait débandé ses deux yeux,
Pour voir son maintien gracieux,
Je crois qu'amoureux serait d'elle.
Vénus, la Déesse immortelle,
Tu as fait mon coeur bien heureux,
De l'avoir fait être amoureux
D'une si noble Damoiselle.
Celle qui m'a tant pourmené.
Celle qui m'a tant pourmené
A eu pitié de ma langueur :
Dedans son jardin m'a mené,
Où tous arbres sont en vigueur.
Adoncques ne usa de rigueur :
Si je la baise, elle m'accole ;
Puis m'a donné son noble coeur,
Dont il m'est avis que je vole.
Quand je vis son coeur être mien,
Je mis toute crainte dehors,
Et lui dis : " Belle, ce n'est rien,
Si entre vos bras je ne dors. "
La Dame répondit alors :
"Ne faites plus cette demande :
Il est assez maître du corps,
Qui a le coeur à sa commande."