Il faudrait, pour composer un récit équitable, déplier tant de papiers, scruter tant d’images, questionner tant de faits, gratter les apparences, chercher ce qui est dissimulé, sans savoir où ni si cette dissimulation existe, déployer toutes les nuances des mots, repérer les marques, interroger les traces et mes souvenirs, démêler l’intime, l’unique, le familial, le social, le collectif.
Il avait lu quelque part qu'être adulte, c'est être seul. Contresens. Son enfance, sa jeunesse n'avaient été que solitude. Non, être adulte, c'est n'avoir plus peur.
Rien ne sépare son vide intérieur du silence.
L'avenir, c'est épuisant.
Je ne trouve même pas effrayant que l'on puisse se rappeler de choses que l'on n'a pas vécues.
La vie était gris clair, une calme tristesse. La routine leur était douce, comme à tous ceux qui ont connu des tribulations.
Tu ne peux pas avoir oublié, même si tu fais semblant, même si tu as poursuivi ta route sans plus en parler à personne, comme si cela n'avait pas existé. Je ne t'en veux pas. Ce n'était pas ta faute, je le sais bien. Je suis la seule au monde à le savoir. Mais tu portais un fantôme. Des fantômes. Leur histoire d'avant toi, celle de tes origines.
II avait lu quelque part qu'être adulte, c'est être seul. Contresens. Son enfance, sa jeunesse n'avaient été que solitude. Non, être adulte, c'est n'avoir plus peur.
J’ai refermé la porte de la chambre de ma mère et me suis avancée dans le couloir désert. Il est midi ; les pensionnaires ont été descendus dans la salle à manger. Les murs blancs, joyeux, reflètent la clarté de juin. Seuls mes pas résonnent. Je m’éloigne, je m’arrête. Ai-je vraiment fermé la porte derrière moi ? Ne devrais-je pas le vérifier ? Je me retiens de courir puis je cours quelques mètres. Je remonte un autre couloir, tout aussi lumineux, et sans une âme. Où est le poste des soignants ? J’ai dû le manquer. Je fais demi-tour, plus lentement. Des portes s’entrebâillent sur les chambres vides, le lit chromé, de petits meubles laids, des cadres, des photos, des crucifix souvent, des plantes vertes ornées de gros nœuds en bolduc. Sur chaque porte, un petit carton. Madame Jeannine Montrat. Madame Geneviève Guichard. Sur la sienne, Madame Alice d’Amberville. Tout est comme d’habitude. Le couloir bifurque. Des portes peintes en jaune. J’ai dû me tromper de côté en sortant de sa chambre.
- Son évasion prouvait que si on ne pense quà une seule chose, même la plus difficile, la plus impossible, elle se présente à sa portée...
- ... parce qu'on est prêt.
- Oui, mais vouloir s'évader d'une prison, cela ne va-t-il pas de soi ? Que veut-on avec une telle évidence quand on est libre ?
-Je ne sais pas. Je n'ai jamais su. Et toi ?