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Critique de SZRAMOWO


Né en 1933, Juan Marsé a vécu durant son enfance et son adolescence, la guerre civile espagnole puis la période d'épuration qui a suivi et a duré jusque dans les années 1960.
Le fantôme du cinéma Roxy est un recueil de trois nouvelles inspirées des souvenirs d'enfance de Juan Marsé.
Ces récits décrivent une Espagne repliée sur elle-même, inquiète de ses propres fantasmes, où la Dictature confine à l'aveuglement et à la stupidité en refusant de suivre l'évolution qu'ont connue les pays d'Europe de l'Ouest à la fin de la deuxième guerre mondiale.
Ces récits peuvent être vus comme des paraboles décrivant la réalité sans utiliser les mots qui conduiraient le régime franquiste à les censurer.
Le premier récit « histoires de détectives » montre un groupe d'enfants qui, pour échapper au monde des adultes, se réfugient dans la carcasse d'une vielle Lincoln Continentale 1941 abandonnée sur un terrain vague et jouent les détectives. Leur chef est Marès un garçon ventriloque et transformiste – « il a plissé ses yeux de chat et s'est composé le visage du vieux futé Barry Fitzgerald ordonnant à son fin limier de suivre la fille dans « La Cité sans voiles », avant d'ajouter de sa voix enrouée : vas-y, elle est toute à toi » - qui attribue des missions à ses acolytes au rang des quels figurent David Jaime et Roca le narrateur.
Madame Yordi est l'objet de leur attention : « Sous les basques de la gabardine, très serrée à la taille, la plénitude des courbes laissait deviner des cuisses qui devaient s'effleurer en marchant. Pourtant, c'était une femme mince, aux petits seins et aux hanches fines. »
Impuissants, les enfants sont les témoins des « jeux » des adultes. Madame Yordi est veuve, mère d'un enfant, harcelée par le boulanger surnommé Charlot le Vicelard, et contrainte de se plier aux volontés d'un phalangiste :
« Et vous n'avez pas vu l'araignée noire au revers de sa veste ? Mais si, mais c'est bien sûr, c'est un phalangiste ! (…) un de ces petits pistonnés de la Phalange qui ont le cul dans le beurre et pas la moindre intention de l'essuyer. »
Et Roca de conclure :
« Cette sale époque, dangereuse et fantastique, est maintenant loin derrière nous, et plus personne ne se souvient de son odeur de poussière et de charogne, encore moins de notre vocation de détectives intrépides. »
« Les aventures d'un lieutenant têtu », qui en Espagne a donné le titre au recueil – Teniente Bravo – s'inspire directement du service militaire de Juan Marsé à Ceuta en 1955.
Le lieutenant Bravo se met dans la tête d'exercer son bataillon au cheval d'arçon. Il récupère un vieil agrès dont la bourre est occupée par un rat et dont un des pieds a été remplacé par une branche de cerisier taillée sur mesure et portant l'inscription « Nous ne sommes pas amoureux de la mort. Abd-El-Kkrim n'a qu'à se faire enculer. Luisito et Fermin. »
Sûr de lui, le lieutenant fait étalage de sa science du cheval d'arçon et veut montrer lui-même à ses recrues comment franchir l'obstacle avec élégance et retomber avec non moins d'élégance sur ses pieds.
Las. La démonstration tourne au désastre.
L'autorité du Lieutenant se délite mais lui considère qu'il en est toujours dépositaire. Les soldats ne bronchent pas. Incrédules face à l'obstination du Lieutenant Bravo, mais surtout craintifs.
Dominants et dominés restent chacun dans leur rôle jusqu'à l'absurde. Illustration encore une fois de ce que fut le Franquisme alors qu'il se mourrait.
La nouvelle le fantôme du Cinéma Roxy montre un réalisateur et un scénariste aux prises avec la création et sa symbolique aux interprétations multiples.
Dans la librairie papeterie de Susanna, les personnages, Vargas, Les Phalangistes –N°1 ; N°2 ; N°3 - (omniprésents), l'écrivain, Purita, Fermin, Susanna, Raiker, Shane, Dracula, s'escriment dans un scenario où la réalité dépasse l'entendement.
Des nouvelles préfaçant l'univers des romans de Juan Marsé avant qu'il ne soit Juan Marsé.
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