Chez Alyse la Grise, on peut se procurer tout ce dont on n'a jamais rêvé. Mais il vaut mieux ne jamais pousser sa porte. (Dans les contrées perdues)
De toutes les saisons, Adara préférait l'hiver car, lorsque le froid envahissait le monde, le dragon de glace surgissait. D'un blanc cristallin, ce blanc dur et froid, presque bleu, le dragon de glace était couvert de givre ; quand il se déplaçait, sa peau se craquelait telle la croûte de neige sous les bottes d'un marcheur et des paillettes de glace en tombaient. Il avait des yeux clairs, profonds, glacés. Il avait de grandes ailes de chauve-souris, couleur azur, translucides. A travers, Adara discernait les nuages, et parfois la lune et les étoiles, lorsque la bête tournoyait dans le ciel. Il avait des glaçons pour dents, trois rangées de lances inégales, blanches dans la caverne bleue de sa bouche. Le dragon de glace insufflait la mort au monde, la mort, le silence et le froid. Mais Adara n'avait pas peur. Elle était fille de l'hiver, et le dragon de glace était son secret. (Le dragon de glace)
-Il y a vraiment des êtres qui réussissent à survivre au milieu de toute cette désolation ?
-Oh oui ! Il faut avoir l’œil exercé pour les voir, il faut bien connaître les Contrées Perdues, mais il y a de la vie. D'étranges bêtes aux formes torturées telles qu'on en voit jamais au-delà des montagnes, des créatures légendaires surgies tout droit des cauchemars, des êtres enchantés et maudits, des êtres dont la chair est incroyablement rare et délicieuse. Et des humains aussi, ou des choses presque humaines. Des métamorphes, des garous et des silhouettes grises qu'on ne voit qu'au crépuscule, des créatures lentes, mi-vivantes, mi-mortes. Mais vous devez savoir tout ceci. Vous êtes Alyse la Grise. On dit qu'un jour, il y a bien longtemps, vous-même avez surgi des Contrées Perdues.
L'art s'inspire de la vie, mais il doit la modeler, la réarranger, lui donner une structure ; l'art ne peut pas se contenter de reproduire la vie.
"En vérité, Adara était une enfant à part : une fillette très sérieuse qui daignait rarement jouer avec les autres. Elle était belle, disait-on, mais d'une beauté étrange, distante, avec son teint pâle, ses cheveux blonds et ses grands yeux d'azur. Elle souriait parfois. Nul ne l'avait jamais vue pleurer."
- Tu es toi-même très froid avec elle. Tu ne l'aimes pas autant que tes autres enfants.
Adara se rappelait le rire de son père, alors.
- L'aimer ? Ah ! Hal, je l'ai aimée plus que tout, ma fleur d'hiver. Mais elle ne m'a jamais aimé en retour. Il n'y a rien en elle ni pour moi, ni pour toi, ni pour aucun d'entre nous. Une fillette de glace.
De toutes les saisons, Adara préférait l'hiver car, lorsque le froid envahissait le monde, le dragon de glace surgissait.
L'hiver l'avait effleurée, il avait laissé sa marque sur elle, et il l'avait faite sienne.
"Non, se dit Adara. Quiconque régnerait sur la contrée, le dragon de glace resterait le sien, à elle."
Une sale affaire, les dragons de glace, dit Hal cet été-là. Tu sais, ils ne ressemblent pas aux vrais dragons. Nul ne peut les dresser. Il paraît qu'on a retrouvé gelés, fouet et harnais en mains, ceux qui ont essayé.