Citations sur Claquer la porte (10)
on trouve des histoires partout, mais certaines poussent sous terre, alors il faut creuser et on n’en a pas toujours envie. Les meilleures ne sont pas toujours celles qui sautent aux yeux.
Depuis son enfance, elle avait appris à se caresser toute seule, c’était un péché, disait-on, mais ce n’était pas l’avis d’Olimpia, avec qui elle parlait des plaisirs solitaires du corps – les garçons en font bien autant...
Elle avait aussi appris à l’oublier, à ne pas la prendre en compte, de la même façon que nous oublions nos membres jusqu’au moment où ils nous avertissent d’un dysfonctionnement de notre corps ; tant qu’ils ne nous font pas mal, ils n’existent pas. Cette chose est imprimée dans le corps, profondément enfouie dans la forêt du corps, ce qui n’empêche pas de sentir qu’elle est souvent connectée à des fils téléphoniques, à des fenêtres qui ne ferment pas, à des odeurs ou à des chansons venues de l’extérieur. Mais elle était là, à l’intérieur, douloureuse, sans doute la séquelle d’une opération chirurgicale mal recousue ; elle était souvent passée sur la table d’opération, mais elle n’aimait guère parler des médecins.
De nos jours, les filles, même de bonne famille, pouvaient avoir une aventure avec un garçon de café sans avoir l’impression de perdre la face, sacrée différence, de leur temps elles avaient dû choisir dans un cercle beaucoup plus restreint.
— Le français n’intéresse plus personne. Incroyable, n’est-ce pas ? Pour les jeunes, c’est une lubie, mais si tu ne tombes pas en extase devant une chanson anglaise, tu n’es plus dans le coup, ça vient des Beatles.
— Des Beatles ? Mais ça ne date pas d’aujourd’hui !
— Ma foi, je n’en sais rien. Ce que j’en dis, c’est à cause de mes petits-enfants. Parfois je fais semblant d’adorer, mais quand on ne comprend rien aux paroles, comment veux-tu apprécier ?, eux, ils prétendent que les paroles sont très bonnes.
C’est normal, les langues sont devenues indispensables, on en revient toujours là, c’était déjà pareil de notre temps, un investissement à long terme, mais le problème c’est que nos parents n’avaient aucune vision d’avenir. Des notions de français pour chanter faux Au clair de la lune mon ami Pierrot1 , un point c’est tout. J’ai toujours été jalouse d’Amparo, je n’ai pas honte de le dire, dominer quatre langues à vingt ans, passer un concours aux Nations unies de Genève et le réussir, c’est vraiment du mérite ! Elles sont parties à ce moment-là.
Ce qu’il faut ajouter à ce scénario, ce sont des gens. Et supprimer toutes ses obsessions. La vie n’est pas ainsi, mon vieux, nous sommes nombreux. Il faut des gens qui racontent aussi leur histoire, même s’ils s’interrompent au beau milieu, peu importe, un télescopage d’histoires.
Quand le défi aux lois de la gravité trouve un écho chez une autre personne affligée de la même soif, l’ivresse commune peut être divine, mais le réveil est généralement douloureux.
L’ignorance a toutes les audaces.
Si elle parle toute seule, c’est sans doute qu’elle a des secrets. Toutes les mères en ont. Elles nous racontent toujours des demi-vérités. Nous savons très peu de choses de nos mères.