Alors que les contemporains n'ont jamais qualifié les paniques et les émotions de "Grande Peur", le mot apparaît dans les polémiques historiques et politiques de la fin du XIXe siècle, avant d'être consacré par Georges Lefebvre pour désigner cette seconde quinzaine de juillet 1789.
Redisons-le, juillet 1789 n'innove pas en comparaison avec les grandes vagues de révoltes qui ont marqué la France de 1624 à 1709; sauf sur un point essentiel : la lecture qui en est faite depuis la convocation des Etats généraux, surtout après le 14 juillet.
Il serait vain de chercher ici la preuve que la Révolution est en marche. Juillet 1789 est d'abord et avant tout un affaiblissement du pouvoir central, comme il y en eut beaucoup auparavant, au moment de la Fronde, au milieu du XVIIe siècle, lors de la mort de Louis XIV et de la Régence, vers 1714.
Dans cette atmosphère oppressante, rumeurs et paniques, vengeances et violences se répandent, s'entremêlent et s'exacerbent les unes les autres, reproduisant des scènes de chaos et d'affrontements ordinaires dans des moments d'inquiétude et de crise politique.
L'histoire, quand elle est véritablement une science, repose sur un processus particulier et exigeant, puisque la "vérité" qu'elle produit n'est garantie que par l'exposé sélectif et contradictoire d'arguments attestés et vérifiés...
Lefebvre qui estimait que la convocation des Etats généraux et la rédaction des cahiers de doléances avaient ouvert une "grande espérance", libérant par contrecoup, "la vengeance (accumulée) pendant des siècles dans des cœurs ulcérés (contre) les grands, les riches, les seigneurs", permettant aussi que la haine s'exprime avec le vocabulaire tout neuf de 1789.
Reconnaissons que les élites "patriotes" à Paris, tout comme les députés à Versailles, sont impuissants devant la violence, et qu'ils vont se contenter de tenter de récupérer à leur profit la colère populaire née du renvoi de Necker...