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Critique de LeMotSurLeGateau


Quand le travail prend toute la place qu'on lui donne. Un roman qui suscite la réflexion.

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Le constat de l'addiction au travail d'une personne est comme la part émergée de l'iceberg que l'on se contente d'admirer du pont du bateau qui la regarde : plonger à la source pourrait parfois briser la glace et la délivrer. Tel paraît être en tout cas le point de vue bien amené de l'auteure et des personnages qui se partagent cette histoire.

En effet, rien ne prédestinait Yaël à une telle implication professionnelle si l'on en croit le récit de sa période estudiantine au contact de son groupe de potes de toujours, et sa soeur jamais bien loin. Mais les temps ont changé, elle ne se laisse aucun temps de respiration pour autre chose que sa mission puis sa carrière d'interprète au service d'une agence de renom, gérée par un patron on ne peut plus exigeant et à la fois compréhensif, cyclothymique mais finalement clairvoyant. Cette volonté de lui prouver à lui, à elle, qu'elle est à la hauteur, piétine tout effort à destination de sa famille qui la réclame pourtant sans relâche, de sa soeur devenue maman à ses parents. Au détriment également de son groupe d'amis d'enfance qui a connu lui aussi quelques rebonds dans l'existence. le corps a ses limites, le passé aussi. Yaël devra donc y faire face comme elle le peut et pourquoi pas se laisser rattraper, faire une pause, se remettre en question, ne plus se dissimuler pour chaque demande de rendez-vous personnel derrière la fameuse excuse du « désolée, je suis attendue », mais jusqu'à quel point...

La question de l'addiction au travail et des motifs qui en seraient la cause partent du postulat que cette attitude campe dans l'excès et constitue une source de déséquilibre physique et psychologique de la personne malgré elle. Or rien n'est moins difficile que de porter un jugement sur une situation qui s'éloigne de la nôtre sans risquer de tomber dans une forme d'acculturation sociétale. La quête du bonheur, la recherche de l'équilibre entre la dimension personnelle et professionnelle, et toutes leurs déclinaisons, s'affichent aujourd'hui comme le Graal à décrocher pour vivre heureux. Telle une injonction à l'image de « mange ! » ou « dors ! », la définition du bonheur s'affirme de plus en plus comme unique et universelle. Sortir de ces sentiers éloignerait les gens du droit chemin que d'autres ont fixé. Alors comme une mission humanitaire de proximité, il faudrait à tout prix rallumer la conscience de celui qui s'en écarte. Pourtant... malgré ma position de fervente combattante pour l'équilibre, je me garderais bien aujourd'hui d'expliquer à qui que ce soit qui ne manifeste ni envie, ni besoin, ni souffrance de son état, comment atteindre son « bonheur ». Car chacun dispose de sa définition propre, de sa vie, de son passif, de ses failles, de ses besoins du moment qui changent et évoluent. Chacun met aussi en jeu des mécanismes de défense pour se détourner de ces questions qu'il serait bien présomptueux voire dangereux de vouloir faire tomber à tout prix, pour imposer une vérité toute personnelle et s'affirmant comme universelle.

Ce roman a donc la qualité d'ouvrir le débat sur le sujet de la place du travail dans la vie de chacun. Il est également agréable à lire dans l'attachement qu'il crée à ses personnages et à cette bande d'amis-famille débordés par leur bienveillance parfois mal orientée. Même s'il est cousu de fil blanc sur l'issue que l'on imagine dès le départ, les évènements qui viennent ponctuer les virages du passé et donc du présent sont éclairants et bien amenés. L'écriture d'Agnès MARTIN-LUGAND est toujours aussi fine et ancrée dans les émotions de ses personnages, alternant dialogues et récit dans un rythme agréable à lire, pour passer un bon moment. Il manque tout de même et à titre très personnel une dimension plus philosophique, distanciée, métaphorique dans le récit pour le ponctuer et l'éloigner de lui-même afin de laisser la place au lecteur de se faire son propre jugement.

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