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Extrait ajouté par ilovelire il y a 4 mois
Nos résiliences de Agnès Martin-Lugand
Quelques minutes plus tard, mon corps nu avait retrouvé sa place sous les draps, ma peau ne demandant qu’à retrouver la sienne. Il était sous la douche ; peu importait l’heure de son arrivée, il avait toujours besoin de se laver quand il rentrait, retirer les dernières poussières de la brousse, les dernières traces d’odeur des animaux qu’il avait soignés, une manière de prendre de la distance avec ce bois dont il ne revenait jamais indemne, mais qui était indispensable à son équilibre. Inconsciemment, il ne voulait pas m’imposer ce parfum qui m’était inconnu, et qui ne lui ressemblait pas, du moins ne ressemblait pas au parfum de mon mari
Nos résiliences de Agnès Martin-Lugand
J’avais suivi l’atterrissage de son avion en direct sur mon téléphone. Il ne m’avait pas appelée. Il me disait toujours qu’il n’allait pas prendre le risque de me réveiller, alors qu’il rentrait dans quelques heures. Il s’amusait à croire que je pouvais dormir profondément en attendant son retour. Je ne m’en offusquais pas, il avait besoin de ce temps en tête-à-tête avec lui-même pour se préparer à revenir parmi nous, pour se retrouver, pour se fondre à nouveau dans sa peau de mari et de père. Non pas qu’il nous oubliât pendant ce voyage, mais il renouait avec celui qu’il était avant d’avoir une famille, du temps où il n’avait ni femme ni enfants.
Je me glissai seule dans notre lit pour la dernière fois avant longtemps. J’aimais l’atmosphère de ces nuits-là. Un mélange d’impatience et de fébrilité. Une excitation à le retrouver. Une appréhension qu’il vive mal son retour. Un goût d’euphorie qui submerge. Une envie d’accélérer le temps et de le ralentir à la fois, tant cette ultime attente était jouissive après un mois d’absence. Dans la pénombre de notre chambre, j’avais une perception accrue des bruits de la maison ; le moindre craquement dans la toiture, le chant de la pluie, le moindre petit pas de l’un des enfants se levant avec la bonne excuse d’aller aux toilettes, Monsieur, notre chien, qui ne dormait que d’un œil en grognant dans son panier, Mademoiselle, notre vieille chatte, qui sautait de meuble en meuble. Eux aussi attendaient son retour.
Nos résiliences de Agnès Martin-Lugand
Alors même que toutes les lumières restaient éteintes, j’eus le sentiment que le soleil entrait à nouveau dans la maison, et que la pluie avait cessé de tomber. Je me retins de me lever d’un bond et de dévaler l’escalier pour me jeter dans ses bras. C’est bon d’attendre, de faire monter le désir de se retrouver l’un contre l’autre après tant de jours d’éloignement. Je posai lentement un pied sur le parquet, puis le second, tous les mouvements se suspendirent au-dessous de moi.
p 313
J'étais sur le point d'entrer dans la douche quand la porte de la salle de bains s'ouvrit. La gêne s'empara de moi, il me voyait à nouveau nue dans la lumière crue du jour. La veille, nous avions pourtant fait l'amour furieusement et sans aucune pudeur, mais il nous fallait réapprivoiser la simplicité et la spontanéité du quotidien. Xavier était tout aussi mal à l'aise que moi. Un petit sourire naquit au coin de ses lèvres, alors que nous nous fixions, dérouté.
-Il faut que je me prépare aussi.
Je lui souris en guise de réponse. L'eau coulait sur moi, Xavier se rasait et nous échangions des regards intimidés à travers le miroir.
Il va très mal, il n'est pas dans son état normal...et je crois que tant qu'il n'aura pas parlé à votre femme ou qu'il ne l'aura pas vue, il ne remontera pas la pente.
Chaque jour qui passait l'éloigner de moi et moi de lui, je n'avais plus accès à ses pensées, à ses sentiments, je ne savais plus comment lui parler, je ne savais pas l'aider.
Ma vie était suspendue à ce médecin, aux paroles qu'il allait prononcer. Je le toisai pour lui signifier que j'étais prête.
Quand une histoire débute, on est dans l'euphorie, dans le désir insatiable, on veut s'aimer, on veut se prendre, ne jamais être séparé ou alors juste le temps de susciter une frustration jouissive qui sera apaisée dans un corps à corps passionné.
L'espace d'un instant, nous avions été l'un à l'autre. Quand une histoire débute, on est dans l'euphorie, dans le désir insatiable, on veut s'aimer, on veut se prendre, ne jamais être séparé ou alors juste le temps de susciter une frustration jouissive qui sera apaisée dans un corps à corps passionné. Notre histoire était finit avant même de naître. Et il faudrait vivre avec. Une dernière seconde, un dernier doute.