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Critique de Cricri124


Je suis entrée dans le domaine des murmures par « une plaie entre les arbres ». Je vous avertis, c'est un lieu « tissé de murmures, de filets de voix entrelacées et si vieilles qu'il faut tendre l'oreille pour les percevoir. de mots jamais inscrits, mais noués les uns aux autres et qui s'étirent en un chuintement doux. » (p15) Alors si cela ne vous effraie pas d'entendre des voix, vous entendrez peut être dans les frémissements du passé, celle d'Esclarmonde. A quinze ans, la damoiselle fait le choix d'être emmurée pour consacrer sa vie au Christ. Un moyen d'échapper au mariage auquel son père veut la contraindre. « Christ était puissant dans l'esprit des femmes de mon temps. Christ seul pouvait tenir les hommes en échec et leur arracher une vierge. » (P24)

J'ai mis beaucoup de temps à me décider à lire ce livre, persuadée qu'il y serait essentiellement question de l'exaltation de la foi et ses aberrations hérétiques. Pourtant, dès les premières lignes, j'ai été hypnotisée à l'insu de mon plein gré ! La ferveur religieuse et ses excès sont bien évidemment omniprésents, nous sommes en l'An 1187 ne l'oublions pas, mais à travers le regard d'Esclarmonde, c'est surtout le coeur des femmes qui palpite dans cet ouvrage, ces femmes qui rêvent d'exister autrement que par le rôle ou le non-rôle, que l'époque leur a dévolu. Il y a aussi de beaux passages sur l'amour maternelle. le plus incroyable (quand on commence à entendre des voix, il faut s'attendre à tout !) c'est qu'Esclarmonde n'aura jamais été aussi libre, aussi écoutée, et à l'écoute des hommes et de la vie, que du fond de son reclusoir. Enfin, elle peut exister !

« Je n'avais jamais tant reçu, tant parlé, du temps où, vivante, je devais garder la chambre, broder, chanter et obéir à mon père. Tous ces êtres en mouvement venaient voir l'immobile et la vie passait devant moi, qui pourtant l'avais quittée. J'apprenais beaucoup des hommes, de leurs désirs et de leurs peurs. […] J'étais posée comme une borne à la croisée des mondes. » (P42)

Mais le grand pouvoir de ce livre est certainement son écriture poétique et envoutante. D'une part, elle nous transporte au moyen âge de manière assez feutrée, dans une sorte de brouillard cotonneux, comme la nostalgie d'un temps qui n'a pourtant rien de nostalgique !!! Et plus on avance dans l'histoire, plus le souffle des récits épiques mugit. Cela m'a même par certains côtés fait penser à une chanson de gestes, version XXIème siècle bien sûr ! D'autre part, elle nous captive et nous tient en haleine. Car contre toute attente, dans l'immobilité relative de cette geôle, les rebondissements s'enchaînent, (l'un d'entre eux m'a d'ailleurs laissée sans voix !)

Une très belle découverte que j'ai eu le plaisir de partager avec Nadou38.



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