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Critique de LionelBonhouvrier


Lire cette anthologie d'un millénaire de poésie persane (du Xe au XXe siècles) a été un oasis pendant ces deux mois de confinement parisien. J'ai été le plus sensible à Roudaki, Omar Khayyâm, Sanâ'î, Djâmal d'Ispahan, Attâr de Nichapoûr, Djalâl-ud-Dîn Rûmî, Saadi, Amir Khosrow et Hafiz de Shiraz... Tous ont vécu entre le Xe et le XIVe siècles.

L'introduction de Z. Safa est essentielle, nous précise les bases historiques, géographiques et littéraires. Elle présente la poésie dans l'Avesta, recueil des écritures sacrées de la religion mazdéenne (avant le VIe siècle av. J.C), puis dans les langues "moyen iranien", comme le parthe et le pehlevi (IIe siècle av. J.C- IIIe siècle après J.C). La poésie persane est issue du persan littéraire ou dari, qui naît au Khorassan au IIIe siècle. Elle se répand dans l'ensemble de l'Iran (XIe au XIVe siècles), puis en Asie mineure à l'ouest et jusqu'en Inde vers l'est... Les poètes abordent tous les genres.

Les poètes donnent dans le panégyrique (Roudaki), l'épopée ("Livre des Rois" de Firdousi), ou le lyrisme amoureux (avec de magnifiques ghazals). La poésie morale convient au tempérament métaphysique et pessimiste d'Omar Khayyâm :
"L'humaine récolte en cet univers tourmenté
N'étant que de souffrir jusqu'au moment de rendre l'âme,
Heureux celui qui part au plus vite
Et fortuné celui qui n'est même pas né."

Un peu plus tard, Sanâ'î rédige un quatrain très proche :
"Si venir n'avait dépendu que de moi, je ne serais point venu.
Si le départ aussi ne tenait qu'à moi, quand m'en irais-je ?
Ne vaudrait-il pas mieux que ce monde croulant ne m'ait vu
Ni venir, ni m'attarder, ni partir ?"

L'Amour, terrestre ou mystique, occupe une grande place dans la poésie persane :
"Jusques à quand, feu du désir ! me monteras-tu à la tête ?
Jusques à quand, soupir plaintif ! t'élèveras-tu de mon coeur ?
O toi, source de vif-argent, sortant de mon oeil, jusqu'à quand
baigneras-tu ma face pâle de chagrin causée par l'amie ?" (Saadi de Shiraz).

"Celui dont l'habit fur déchiré par l'Amour
fut purifié d'avidité, de tout défaut.
Louange à toi, Amour, plein de profit pour nous !
O toi le médecin de toutes nos misères !
Remède à notre orgueil, à notre vaine gloire,
tu es pour nous Gallien et Platon ! Grâce à toi,
notre corps de limon s'élance vers les cieux,
les monts entrent en danse et deviennent légers..." (Rûmî).

"Lorsque mort tu me verras, les lèvres à jamais closes
contemplant sans vie ce corps épuisé par le désir
Tu pourras à mon chevet t'asseoir et de ta voix douce
dire : "C'est moi, ô remords, moi qui l'ai assassiné." (Roudaki)

Rûmî, célèbre pour sa poésie mystique et ses admirables poèmes lyriques, est aussi capable de satire : "Ce bas monde est semblable à un arbre, ô mon fils !
et nous sommes sur lui comme fruits demi-mûrs.
Le fruit vert pèse fort à la branche de l'arbre,
parce qu'il n'est ni beau ni digne du palais.
Mais lorsqu'il a mûri, sucré, poissant les lèvres
il pèse doucement, alors, sur les rameaux.
Fanatisme, rigueur viennent de l'ignorance :
tant que tu es foetus, tu te nourris de sang."
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