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Critique de Arimbo


La Révolution française de 1789 est pour moi, l'une des périodes, si ce n'est la période, la plus marquante de l'Histoire de France, notamment en raison du bouleversement total de l'ordre établi, du basculement entre ce qu'on appellera désormais l'Ancien et le Nouveau Régime, de l'avènement de la démocratie mais aussi de la dictature sauvage de la Terreur.
Elle l'est aussi, je crois, dans l'imaginaire collectif des français. Il suffit de voir comment certains leaders politiques actuels se l'approprient, convoquent son souvenir dans leurs discours, leurs affiches, etc..pour l'appliquer aux événements qui jalonnent nos jours.

Et pourtant, ce n'est pas facile de s'en faire une idée objective, qui corresponde à la réalité, même en s'appuyant sur les faits.
Et je sais que, parmi tous les historiens éminents qui ont consacré leurs études à cette époque unique, la vision, malgré leur honnêteté, n'est pas toujours la même, de Soboul à Furet, de Tocqueville à Mathiez.

Mais il est essentiel de les lire, je trouve, car, même si notre début de 21eme siècle ne peut être comparé à la période révolutionnaire, par exemple le pouvoir de la religion catholique est devenu anecdotique, on ne coupe plus la tête de ses ennemis politiques, beaucoup des « moteurs » qui étaient à l'oeuvre à cette époque, les inégalités sociales, la pauvreté, les différences marqués entre monde rural et monde urbain, sont toujours d'actualité. Et la question de la centralisation des pouvoirs ou du fédéralisme est encore à l'ordre du jour.

Je débute ce cycle de lectures,ou de relectures, par l'ouvrage de référence d'Albert Mathiez, l'historien qui a, en quelque sorte, réhabilité Robespierre, en montrant que ses successeurs l'ont volontairement chargé de tous les maux de la Terreur. Engagé à gauche, Mathiez, tout en étant exhaustif, ne manque pas de tenir compte dans les événements de leur dimension de classe sociale.

C'est un ouvrage absolument passionnant, très complet et très dense, qui se décompose en trois parties:
- La chute de la Royauté
- La Gironde et la Montagne
- La Terreur.

Mathiez choisit d'arrêter la période révolutionnaire à l'exécution de Robespierre et donc se limite à l'exposé et l'analyse des faits qui se sont produits de 1789 à 1794. Ce qui n'est pas le cas d'autres qui la terminent au moment du coup d'Etat d'un certain Napoléon Bonaparte le dix huit Brumaire 1799.
Ce choix est un peu arbitraire, je trouve. Certes la période 1795 -1799, Convention thermidorienne et Directoire, est marquée par une réaction à l'esprit révolutionnaire. Mais, le refus du retour au pouvoir des royalistes, l'organisation de l'Etat, l'émergence d'une bureaucratie, les efforts en faveur de l'éducation, du développement de la science, restent dans la continuité du travail accompli entre 1789 et 1794.

Les thèmes qui m'ont marqué:

- D'abord le fait que cette période n'est pas homogène. Au début, avec La Fayette, Mirabeau, c'est l'idée d'une monarchie constitutionnelle qui est prédominante, avec une domination de l'Assemblée par les Feuillants ( aristocrates et grands bourgeois se réunissant au Couvent des Feuillants) plutôt favorables au roi. Mais l'attitude de Louis XVI, ses liens avérés avec les puissances étrangères dans le but de reprendre le pouvoir absolu, et surtout sa fuite en 1791 et son arrestation à Varennes, vont le discréditer. Ce sont ensuite les Girondins (nom donné plus tard par Lamartine car bon nombre étaient des députés issus du Sud-Ouest dont la Gironde) qui gouvernent, un groupe assez hétérogène dont les principaux buts sont de préserver les acquis de la bourgeoisie, de lutter contre les puissances étrangères, mais aussi sont plus favorables à une clémence à l'égard du Roi. C'est ce qui motivera le coup d'Etat que les Montagnards feront en 1793. Les Montagnards sont le groupe partisan des mesures les plus radicales, comme l'exécution de Louis XVI, mais aussi les réformes sociales. Ils intègrent les couches populaires. Ils sont eux aussi un groupe hétérogène et les luttes entre les groupes et leurs leaders vont se succéder.Ce sont eux qui mettent en place la Terreur.
-:La rapidité de l'effondrement de la Noblesse et du Clergé et le rôle joué par la crise économique que connaît alors la France dans cette chute. L'exemption d'impôts, l'arbitraire, la richesse de ces deux ordres sont alors considérés comme insupportables. de plus, la vente des biens de la Noblesse et du Clergé sera considérée comme un moyen pour renflouer les caisses de l'Etat. Mais ce sera insuffisant, et toute la période révolutionnaire est marquée par des problèmes économiques, et cela est parfaitement décrit de façon passionnante par l'auteur.
- le rôle majeur de la guerre, intérieure contre les Chouans, extérieure contre les Royautés, Autriche, Prusse, Angleterre à la fois comme moteur de cohésion nationale et surtout de motivation de suspicions incessantes, d'épurations qui conduisent à l'épisode de la Terreur.
- L'évolution progressive d'un régime parlementaire en une dictature dans laquelle le Comité de Salut Public va jouer un rôle prépondérant. Cette évolution est en grande partie liée à la question de la guerre et au besoin d'éliminer toutes celles et tous ceux qui sont considérés comme non fiables en tant que patriotes.
- L'extrême climat de suspicion, de violence entre des factions rivales qui s'opposent sur de nombreux points, comme celui de la conduite à tenir face aux puissances étrangères coalisées, aussi bien que sur le maintien ou non du culte religieux, les mesures sociales, etc…Ce climat de suspicion permanent conduit à la Terreur.
- La corruption, l'intrigue sont aussi des éléments absolument frappants dans l'analyse que fait Albert Mathiez. Ce n'est pas pour rien que l'on a appelé Robespierre l'incorruptible, car autour de lui, ce n'est pas beau. Ceux qui conspirent en sous-main avec le Roi, ou avec les puissances étrangères sont incroyablement nombreux. Ceux qui s'enrichissent aux dépens de l'Etat aussi. Et cette corruption, cette malhonnêteté, se retrouvent dans toute la société. Par exemple, fermiers qui gardent leur blé dans le but d'en faire renchérir le prix, profiteurs de la vente des biens du clergé,…
- le fait que la bourgeoisie des villes est celle qui tire le plus de bénéfices de la Révolution, et celle qui sera constamment à la manoeuvre, est aussi mis en avant par Mathiez. Selon lui, seul Robespierre essaiera de faire des réformes plus égalitaires, mais n'aura pas le temps de les mettre en place.

Ces quelques thèmes ne rendent pas compte totalement de cet ouvrage très riche et complexe. le nombre de propos ou d'écrits cités est impressionnant. le lecteur regrettera, mais c'était une autre époque, que ces citations ne soient pas référencées, et l'absence d'une bibliographie. A noter aussi que le nombre de protagonistes étant important, il est parfois difficile de s'y retrouver. Mais cela n'enlève rien à la qualité de ce livre formidable.




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