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Critique de Biblioroz


Quelques jours de coma. Aujourd'hui ou demain, avec cette absence d'activité cérébrale, la famille doit prendre la décision de maintenir ou non les quelques fils de vie qui maintiennent Esther. le mari et les quatre enfants sont là, autour d'elle. Dans cette douloureuse circonstance, c'est une famille réunie, le rêve d'Esther.
Puis les chapitres commencent sur cette farouche volonté d'Esther de réunir sa famille autour d'un déjeuner. Elle a dressé la table sur la terrasse de son appartement parisien, sous le soleil écrasant qui fait plier les fleurs vers la nappe blanche. Blanche, comme la chaleur implacable qui alourdit tout l'espace et cogne, inlassablement, dans la tête d'Esther.
Dans l'attente, guettant les arrivées par-dessus la rambarde, Esther voit son image courant Paris alors qu'elle était toute jeune infirmière, l'image de sa liberté grignotée par son mari Reza, médecin iranien.

Et à nous, lecteurs, ce sont les multiples images extrêmement marquantes de la tapisserie d'Esther que nous allons suivre. S'effaçant face à son mari, Esther a tissé sa famille, à l'image d'une tapisserie dont elle noue patiemment mais parfois aussi tragiquement les petits noeuds pour obtenir une cohésion familiale, un ensemble indissociable.
Mais la vie malmène son tissage méticuleux. Chez ses enfants, les raisons sont multiples pour défaire ou même casser net tous les fils qu'elle tente de consolider désespérément pour sauver son ouvrage. La séparation laissera chez Esther une béance et l'éclatement de la fratrie accentuera son sentiment de désespoir.

Premier roman, d'une construction impitoyable. Terrible constat d'une tapisserie familiale qui s'étiole, se déchire face à des évènements blessants qui trouvent essentiellement leurs sources dans l'enfance. C'est aussi l'impact du comportement du père, de sa revanche sur la misère iranienne dont il a triomphé. Il nous apparaît ici avec son côté ambitieux absolument terrifiant et si nocif dans le devenir de ses enfants.
La mère nous fera vivre de l'intérieur son ressenti d'exclusion. C'est une femme qui s'est écrasée devant les paroles blessantes de Reza, sans s'y opposer, même pour défendre les aspirations ou les décisions de ses enfants. Face à eux, les émotions d'Esther restent dans leur ombre, elles sont tues et font perdre ces mêmes liens qu'elle désire pourtant si farouchement protéger.
L'écriture, pointilleuse et insistante, donne une sensation de tranchant. Cet enchaînement de petites phrases, les points remplaçant souvent des virgules, semble traduire l'état d'esprit d'Esther. On sent qu'elle dissèque ce qui se déroule, ce qui est arrivé à sa famille, cette déchirure morale et physique, sa déréliction.
Les fragilités révélées, les meurtrissures subies, qui surviennent au coeur de cette famille résonnent immanquablement chez la fille, la soeur, la mère qui lira ce roman. Elle ne pourra pas s'empêcher de voir ressurgir ses propres expériences et c'est cela qui donne une extrême crédibilité à ce texte.

Ce premier roman, envoûtant, est une belle découverte que je dois à Babelio et aux éditions Les Avrils et je les remercie pour ces quelques heures de lecture intense et riche.
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